Publié le 23 novembre 2020

ENVIRONNEMENT

Le gouvernement renonce au crime d’écocide, mais crée un délit général de pollution

Punir sévèrement les atteintes à l’environnement. C’est ce que demandait la Convention Citoyenne sur le Climat avec la création d’un crime d’écocide. Le gouvernement accède à cette demande mais crée un simple délit général de pollution et un délit de mise en danger de l’environnement. Des avancées importantes du droit français mais qui restent en deçà des attentes citoyennes.

Eric Dupond moretti ministre de la justice XoseBouzas HansLucas AFP
Le ministre de la justice Eric Dupond-Moretti, ministre de la justice, va soumettre aux député un projet de création de délit d'écocide.
@XavierBouzas/HansLucas/AFP

C’est l’une des propositions phares de la Convention citoyenne sur le Climat (CCC) : la création d’un crime d’écocide, qui permettrait à la justice de punir aussi sévèrement des atteintes à l’environnement qu’elle le ferait pour un crime contre l’Humanité. Comme promis, Emmanuel Macron a bien soumis la proposition à son gouvernement. Celui-ci a adopté une mesure qui va en ce sens mais sérieusement amoindrie.

Dans une interview conjointe au JDD dimanche 22 novembre, le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti et la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili ont annoncé la création d’un délit d’écocide. "À l'enthousiasme citoyen qui s'est exprimé doit succéder une traduction juridique dans le code pénal", justifie le garde des Sceaux, faisant valoir un problème de constitutionnalité à l'égard du mot "crime". Il parle plutôt de mettre fin "au banditisme environnemental".

Amendes dissuasives

"Nous allons créer un délit général de pollution. Les pénalités seront modulées en fonction de l'intentionnalité de l'auteur. Les peines encourues vont de trois ans d'emprisonnement à dix ans d'emprisonnement selon qu'on est en présence d'une infraction d'imprudence, d'une violation manifestement délibérée d'une obligation et la plus lourde, d'une infraction intentionnelle", rapporte Éric Dupont-Moretti.

Les amendes iront de 375 000 à 4,5 millions d'euros. "Autrefois vous polluiez, vous gagniez, demain vous polluerez, vous paierez jusqu'à dix fois le bénéfice que vous auriez fait si vous aviez jeté vos déchets dans le fleuve", assure le garde des Sceaux. Une sanction qui n’est pas non plus à la hauteur des attentes de la CCC. Celle-ci demandait une sanction équivalente à 20 % du chiffre d’affaires annuel mondial de l'entreprise fautive.

Vider de sa substance

En revanche, innovation de l’Exécutif, un deuxième délit de "mise en danger de l'environnement" devrait aussi voir le jour. Contrairement au premier, les sanctions pourront s'appliquer y compris quand la pollution n'a pas encore eu lieu, a précisé à l'AFP le ministère de la Transition écologique. "Le texte vise à pénaliser la mise en danger de l'environnement par des violations délibérées d'une obligation", souligne Éric Dupond-Moretti dans le JDD. La peine encourue est d'un an de prison et 100 000 euros d'amende.

"C'est en fait la traduction, en des termes juridiques précis, de ce que demandaient les promoteurs historiques de la reconnaissance de l'écocide", assure Barbara Pompili. La juriste Valérie Cabanes souligne cette avancée pour la défense de l’environnement, mais elle critique. Pour elle, le gouvernement français s’est simplement "conformé enfin à la directive de 2008 de l’Union européenne relative à la protection de l'environnement par le droit pénal". Puis elle parle "d’entourloupe" en jugeant que le terme d’écocide a été vidé de sa substance.

"La proposition qui sera présentée aux députés est infiniment moins ambitieuse que celle portée par la Convention citoyenne et ne correspond pas aux définitions internationales de l'écocide", appuie le réalisateur et militant écologiste Cyril Dion sur Twitter. Il salue toutefois "une amélioration du droit". L'eurodéputée écologiste Marie Toussaint, cofondatrice de l'association "Notre affaire à tous" salue des "mesures bienvenues", mais qui "ne correspondent pas à la condamnation de ce grave crime contre la nature", a-t-elle réagi.

Ludovic Dupin avec AFP


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