Publié le 19 décembre 2018
ENVIRONNEMENT
L'Affaire du siècle : La France va être attaquée en justice par des ONG pour inaction climatique
L'État français va faire l'objet d'un recours en justice pour action insuffisante contre le réchauffement climatique, ont annoncé plusieurs ONG. Celles-ci ont adressé lundi 17 décembre un document préalable en ce sens au président Emmanuel Macron et au gouvernement. Cette initiative, baptisée l'affaire du siècle, est soutenue par de nombreux peoples et youtubeurs.

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"L'action défaillante de l'État en matière de lutte contre le changement climatique traduit une carence fautive de l'État à respecter son obligation de protection de l'environnement, de la santé et de la sécurité humaine". C’est sur cet argument que quatre ONG - Greenpeace, Oxfam, la Fondation pour la nature et l'Homme (FNH) et l'association Notre affaire à tous - ont décidé d’attaquer la France pour inaction climatique.
Elles viennent d’en informer le Président de la République avec un document dit de "demande préalable". Selon la procédure, l'État a deux mois pour répondre. Les ONG prévoient dans un second temps, en mars probablement, d'introduire un recours juridique devant le tribunal administratif de Paris. "Nous demandons réparation de nos préjudices et que l'État agisse tout de suite, à tous niveaux", déclare Laura Monnier, chargée de campagne pour Greenpeace.
Contraindre le gouvernement à agir
En novembre, le maire écologiste de Grande-Synthe (Nord) avait déjà engagé un recours auprès de l'État pour "inaction en matière climatique", relevant notamment la vulnérabilité de sa commune, bâtie sur un territoire de polder. Là encore, le gouvernement a deux mois pour réagir.
L'idée est de "contraindre [le gouvernement] à agir", selon Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France. "L'urgence et l'inaction l'exigent. Ce n'est pas anecdotique que des ONG, qui ont toujours participé aux négociations, au Grenelle disent : maintenant ça suffit !" Les associations travaillent sur cette plainte depuis longtemps. Mais leur annonce tombe au lendemain d'une conférence climat de l'ONU, la COP24, qui a déçu par l'incapacité des États à revoir leurs ambitions.
Les plaignants soulignent que la France, dont les émissions de GES sont reparties à la hausse en 2015, ne respecte notamment pas ses objectifs de court terme. Ils se fondent sur la Constitution et la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantissent la protection des citoyens. Ils dénoncent aussi "une violation de plusieurs engagements de la France en matière de lutte contre le changement climatique au titre du droit international".
Des actions encore insuffisantes
En 2017, le Conseil d'État, la plus haute juridiction administrative française, avait déjà appelé le gouvernement d'agir contre la pollution de l'air, après une plainte des Amis de la Terre. Depuis, l'État a présenté des "feuilles de route" sur l'air, jugées insuffisantes par les ONG, qui ont déposé une demande d'astreinte de 100 000 euros par jour de retard.
D’après les ONG, une réponse à la hauteur des enjeux "serait une conversion rapide à la transition écologique, un soutien aux énergies renouvelables, un vaste plan d'économies d'énergies dans le bâtiment... toutes ces solutions qu'on connaît", explique Cécile Duflot.
Selon la dernière synthèse scientifique sur le climat du Giec, il faudrait réduire les émissions mondiales de GES de 45 % en 2030 par rapport à 2010, pour espérer rester sous 1,5°C de réchauffement, qui promet déjà un bouleversement. À ce stade, le monde va vers +3°C.
Béatrice Héraud avec AFP