Publié le 04 février 2023
ENVIRONNEMENT
Signal, le premier immeuble victime de l'érosion côtière à cause de la montée des eaux
Le chantier de démolition de l’immeuble Signal, à Soulac-sur-mer, vient d’être lancé. Le bâtiment en bord de mer avait été évacué en 2014 alors que le rivage se rapprochait dangereusement du pas de sa porte. Après des années de batailles judiciaires, les copropriétaires avaient obtenu un dédommagement de l’État. Mais la montée des eaux due au réchauffement climatique concerne 22% du littoral français et l’affaire du Signal pourrait se reproduire dans bien d’autres régions. Le gouvernement veut lancer une concertation pour étudier comment partager le financement de l’indemnisation des propriétaires.

@Philippe Lopez / AFP
Cela faisait presque dix ans que l’immeuble Signal, à Soulac-sur-mer en Gironde, n’était plus occupé. La mer se rapprochait dangereusement des pieds du bâtiment construit au milieu des années 60 et devenu trop dangereux pour être habitable. Sa destruction a débuté en grande pompe vendredi 3 février 2023, en présence de membres du gouvernement venus constater le recul du trait de côte sur le littoral français.
Cette affaire constitue en effet un symbole de l’impact du réchauffement climatique sur les biens immobiliers. Lors de sa construction, le rivage de l’océan se situait à plusieurs dizaines de mètres du bâtiment de Soulac-sur-mer. La tempête Xynthia en 2010 a accéléré l’érosion côtière et, en janvier 2014, lorsque la préfecture a ordonné son évacuation, le Signal ne se retrouvait plus qu’à quelques dizaines de mètres de la mer. La montée des eaux liée au réchauffement climatique accentue le phénomène de l’érosion côtière et met en péril bon nombre de maison et bâtiment construits pour profiter de la douceur du bord de mer.
Une concertation d’un an sur le financement
Les copropriétaires en font les frais. Leur achat immobilier a perdu toute sa valeur quand les autorités locales l’ont déclaré trop dangereux pour l’habitation. Après des années de bataille judiciaire, ils n’ont pas réussi à faire reconnaître la responsabilité de l’État, qui avait permis la construction si proche de la mer. Ils ont néanmoins obtenu un dédommagement en signant un accord avec la préfecture de Nouvelle-Aquitaine en 2021, qui a octroyé une enveloppe de 7 millions d’euros à répartir entre les différents copropriétaires.
C’est justement pour éviter d’avoir à faire reposer l’indemnisation uniquement sur les caisses de l’État, que le gouvernement veut trouver d’autres solutions. Bérangère Couillard, la secrétaire d’État chargée de l’Écologie, a profité de l’ouverture du chantier de démolition du Signal pour annoncer le lancement, le 7 mars, d’une concertation d’un an sur la stratégie de "recomposition du littoral et son financement".
Le littoral toujours attractif
Le phénomène est en effet bien connu. Le gouvernement a mis en place dès 2012 une "stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte", consacrée par le volet "adapter les territoires aux effets du dérèglement climatique" de la loi climat et résilience de 2021. Celle-ci permet notamment aux collectivités locales de racheter les biens immobiliers trop exposés au risque de submersion. Selon les chiffres du ministère de l’Écologie, 22% du littoral français est concerné par le risque d’érosion. Il comptabilise 650 km de littoral en recul.
L’appétit des Français pour des habitations "les pieds dans l’eau" ne se dément pourtant pas. La densité dans les régions littorales est ainsi 2,5 fois plus élevée que dans le reste de la France. Callendar, une société spécialisée dans l’évaluation des risques climatiques, estime ainsi que 15 000 transactions immobilières entre 2016 et 2021 ont porté sur des biens susceptibles d’être inondés d’ici le milieu du siècle. L’étude publiée par Callendar évalue à 5 milliards d’euros la valeur totale des biens concernés. Le risque de submersion ne semble pas encore se répercuter sur les prix immobiliers, les biens en bord de mer continuant d’être recherchés. Des assureurs commencent toutefois à essayer de sensibiliser la population, à l’image de Generali qui a lancé l’outil "Ensemble face aux risques" dans lequel il est possible de déterminer quels risques physiques pèsent sur son logement.
Arnaud Dumas, @ADumas5