Publié le 24 mai 2023

ENVIRONNEMENT

Exit le greenwashing, l'Union Européenne va encadrer l'utilisation du terme "neutralité carbone"

Fini les fausses allégations de neutralité carbone ? Le Parlement européen veut en tout cas l'encadrer en interdisant aux entreprises qui se basent uniquement sur la compensation de leurs émissions de CO2 et non sur une réduction directe, d'utiliser le terme de "net zero" ou "neutralité carbone". Une avancée de taille alors que les crédits carbones sont de plus en plus décriés.  

CO2 neutral
La compensation carbone, utilisée massivement pour affirmer l'atteinte du "net zéro", reste inefficace par rapport à la réduction directe des émissions de CO2 de l'entreprise.
@mnzoutfits / Unsplash et montage Canva

Le Parlement européen a été quasiment unanime. La directive sur les "Green claims" (les allégations vertes) a été votée à une écrasante majorité le 11 mai 2023. Le texte vise à encadrer les allégations environnementales utilisées par les entreprises. Les allégations de "neutralité carbone" devraient ainsi être interdites dans l'Union Européenne si elles ne sont pas accompagnées de "preuves détaillées". Surtout, elles ne pourront pas être "fondées uniquement sur la compensation des émissions carbone". Une précision de taille qui vient enrichir la proposition initiale de la Commission.

La compensation carbone, qui consiste généralement à financer des projets réduisant un volume d'émissions équivalent à celui qu'on a émis, est très critiquée. Car c'est bien une réduction directe des émissions de CO2 qui permettra de maintenir le réchauffement planétaire. Les entreprises se disant "neutres en carbone" ou "net zero" le sont donc en compensant leurs émissions. "De telles affirmations absurdes sont basées sur une science erronée, elles confondent et induisent en erreur les consommateurs et leur présence continue sur le marché pourrait nous faire dévier de la trajectoire 1,5°C définie dans l'Accord de Paris", affirme Lindsay Otis, experte des marchés carbone de l'association Carbon Market Watch.

Les projets financés par les crédits carbone, comme par exemple des plantations d'arbres, manquent de fiabilité. L'enquête accablante du quotidien britannique The Guardian et de l'hebdomadaire allemand Die Zeit, publiée en début d'année, révélait ainsi que plus de 90% de ces crédits sont probablement des "crédits fantômes" et "ne représentent pas de réductions réelles des émissions".

"C'est encore insuffisant"

Le texte européen doit désormais être négocié avec les États membres et la Commission en trilogue. "Si les autres institutions ne changent pas de position lors des négociations à venir, cela sapera la capacité de l'UE à véritablement réprimer ce type d'écoblanchiment. Nous demandons instamment au Conseil et à la Commission de soutenir cette interdiction", poursuit l'experte des marchés carbone.

Si le bannissement des allégations de neutralité carbone basées sur la compensation constitue "une victoire significative", pour le Bureau européen de l’environnement (BEE), une organisation écologiste, il reste encore des écueils. Ainsi, la directive n'encadre pas les allégations de performance future. Il reste possible, par exemple, d'affirmer l'atteinte d'un "net zéro d'ici 2050" même si cela implique l'utilisation de crédits carbone pour compenser les émissions.

Le texte continue aussi d'autoriser la publicité pour des combustibles fossiles en tant que produits durables. "C'est encore insuffisant pour empêcher les entreprises de revendiquer le leadership climatique tout en continuant à polluer en toute impunité", affirme l'association Carbon Market Watch. Le texte encadre d'autres allégations vagues et non fondées comme "produit vert", "biodégradable" ou encore "écologique".

Exit aussi les durées de vie sans fondement, la généralisation d'une caractéristique durable à l'ensemble du produit quand elle ne concerne en réalité qu'une seule partie du produit ou encore le blocage du fonctionnement si des pièces provenant d'autres entreprises (cartouches d'encre, chargeur...) sont utilisées. Les étiquettes devront également détailler les éventuelles extensions de garantie proposées au-delà des délais réglementaires.

Fanny Breuneval avec AFP


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