Publié le 08 février 2022
ENVIRONNEMENT
Ikea, Amazon, Carrefour… les promesses de neutralité carbone des grandes entreprises sont un véritable échec
Le NewClimate Institute a passé au crible les engagements de neutralité carbone de 25 grandes entreprises comme Carrefour, Apple ou encore Unilever. Il conclut que leurs engagements ne permettent de réduire que de 40 % leurs émissions au lieu de 100 %. Un décalage de taille entre leurs promesses et l'impact réel de leurs efforts. Les chercheurs appellent les gouvernements à encadrer ces engagements climatiques.

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C’est une étude qui remet en cause les objectifs de neutralité carbone des grandes entreprises. Selon un nouveau rapport, publié par NewClimate Institute avec le soutien de l’ONG Carbon Market Watch, 25 des plus grandes entreprises du monde ayant pris des engagements de neutralité carbone n'atteindront qu’une réduction moyenne de 40 % de leurs émissions par rapport à 2019. Parmi elles, les grandes promesses climatiques de Nestlé, Saint Gobain, Carrefour ou encore Unilever ont été classées comme ayant une très faible intégrité.
"Nous avons cherché à découvrir autant de bonnes pratiques reproductibles que possible, mais nous avons été franchement surpris et déçus de l'intégrité globale des affirmations des entreprises", a déclaré Thomas Day du NewClimate Institute, auteur principal de l'étude. "Alors que la pression sur les entreprises pour qu'elles agissent contre le changement climatique augmente, leurs affirmations ambitieuses manquent trop souvent de substance réelle, ce qui peut induire en erreur à la fois les consommateurs et les régulateurs qui sont essentiels pour guider leur orientation stratégique. Même les entreprises qui s'en sortent relativement bien exagèrent leurs actions", note-t-il.
Compensation carbone et flou
Ainsi, très peu d’entreprises comptabilisent réellement les émissions générées lors de la consommation de leurs produits, ce que les experts qualifient de Scope 3. En moyenne, pour ces 25 entreprises, 87 % de leur empreinte carbone provient justement de ce scope 3. De même, la compensation carbone, pratique très controversée qui consiste à financer des projets de plantation d’arbres par exemple pour compenser ses propres émissions, est également pointée du doigt. De manière générale, sur ces 25 grands groupes, qui représentent 5 % des émissions de gaz à effet de serre mondiale et un chiffre d’affaires annuel combiné de 3200 milliards de dollars, seules trois entreprises se démarquent : Maersk, Vodafone et Deutsche Telekom qui ont réellement pris le chemin d’une décarbonation de plus de 90 % de leurs émissions sur l’ensemble de leur chaîne de valeur.
Les conclusions de ce rapport sont loin d’être une surprise. Fin octobre, juste avant la tenue de la COP26 à Glasgow, le cabinet BCG Gamma avait calculé que si une entreprise cotée sur cinq à travers le monde s’était engagée à atteindre la neutralité carbone, seulement 9 % mesuraient de façon précise ses émissions. L’autrice principale du rapport, Charlotte Degot, pointait le problème des outils de mesure des émissions et de la complexité de la collecte des données et de leur traitement. "Ce n’est pas de la mauvaise volonté de leur part ou du greenwashing, mais c’est tout simplement très compliqué sans outils adaptés", remarquait-elle.
Les lacunes de l'initiative Science-Based Targets
Pourtant, plusieurs initiatives, dont celle de Science Based Targets (SBT) permettent aux entreprises d’avoir une référence commune afin d’atteindre la neutralité carbone en restant sur une trajectoire de réchauffement climatique limitée à 1,5°C. Mais même cette initiative comporte des lacunes, prévient NewClimate Institute qui révèle que 16 des 25 entreprises analysées ont reçu une certification de SBTi selon laquelle leurs plans climatiques sont compatibles avec une trajectoire 1,5°C.
"Nous considérons cette note comme litigieuse ou inexacte, en raison de divers détails et lacunes qui compromettent considérablement les plans des entreprises", indiquent les auteurs du rapport. "Les initiatives de normalisation sont confrontées à une tâche difficile et à un potentiel conflit d’intérêt, s'ils doivent à la fois définir la norme et évaluer les entreprises en fonction de leurs propres critères et directives."
Les experts appellent les gouvernements à réguler plus strictement les engagements climatiques des groupes. "Les entreprises véritablement ambitieuses peuvent être soutenues par l'introduction d'une réglementation plus stricte qui uniformise les règles du jeu en veillant à ce que ces acteurs ambitieux ne soient pas économiquement désavantagés par rapport à leurs pairs moins ambitieux", recommande Silke Mooldijk, co-autrice de l’étude.
Marina Fabre Soundron @fabre_marina