Publié le 03 janvier 2023
ENVIRONNEMENT
Greenwashing : depuis le 1er janvier, vanter la neutralité carbone des produits est interdit sauf si elle est prouvée !
Depuis le 1er janvier 2023, il n'est plus possible pour les annonceurs de mettre en avant la neutralité carbone d'un produit ou d'un service sans prouver que la démarche est bien sincère. Si les conditions à remplir sont nombreuses, les ONG regrettent toutefois que des produits très impactants pour la planète comme l'essence, les vols en avion ou la viande bovine continuent de pouvoir être vantés comme "neutres en carbone", semant le doute dans l'esprit des consommateurs.

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C’est l’une des mesures emblématiques de la loi Climat et résilience de 2021. Entrée en vigueur le 1er janvier 2023, elle interdit aux annonceurs de vanter un produit ou un service comme neutre en carbone sans preuves à l’appui. Le décret d’application, paru en avril dernier, prévoit ainsi la réalisation d’un bilan, actualisé tous les ans, des émissions de gaz à effet de serre du produit ou service concerné couvrant l’ensemble de son cycle de vie, c’est-à-dire de l’amont de sa production jusqu’à son élimination ou recyclage éventuel.
En outre, le rapport doit décrire "la démarche grâce à laquelle ces émissions de gaz à effet de serre sont prioritairement évitées, puis réduites et enfin compensées". Une façon de rappeler que la compensation des émissions, voie souvent privilégiée par les entreprises pour atteindre la neutralité carbone, ne doit arriver qu’à la fin du processus et ne concerner que les émissions résiduelles. Les modalités de compensation devront également faire l’objet d’une annexe. Et si les émissions du produit ou service concerné ont augmenté entre deux années successives, l'allégation "neutre en carbone" sera interdite.
Des produits comme l'essence ou le bœuf pourront être vantés comme "neutres en carbone"
Pour Arnaud Gossement, avocat spécialiste du droit de l’environnement, "ce décret procède à une définition assez lourde des conditions à remplir (…) de telle sorte que le nombre, le coût, la complexité de ces conditions qui imposent de fournir régulièrement une information assez dense peuvent avoir pour effet - sans doute était-ce recherché - de décourager les annonceurs de procéder à ces allégations". "Nous sommes sans doute revenus à l'idée première d'une interdiction sans dérogation", estime-t-il. Pour rappel, la Convention citoyenne pour le climat, à l'origine de la loi Climat et résilience, réclamait l'interdiction de la publicité pour les produits ayant le plus fort impact sur l'environnement.
Pour certaines ONG, le texte ne va donc pas assez loin. "Il laisse la possibilité au professionnel d’utiliser l’allégation ‘neutre en carbone’ pour les produits de grande consommation pourtant polluants comme la viande bovine importée, l’essence, les vols en avion dès lors qu’il aura recours à des mécanismes de compensation carbone, sans avoir à changer ses pratiques ni réduire de façon significative son empreinte carbone. Quant aux consommateurs, ils seront portés à croire que les produits promus comme 'neutres en carbone', sans autre précision, n’ont pas d’impact sur le climat", réagit l'association de défense des consommateurs, CLCV.
En octobre 2021, avec le CCFD-Terre solidaire, elles avaient dénoncé les pratiques de Nespresso, TotalEnergies et Air France dans un rapport détaillé. Le géant pétrolier revendique une neutralité carbone à l’horizon 2050. Mais il est pointé du doigt pour sa politique de compensation carbone. Celle-ci prévoit notamment la plantation de 40 000 hectares d’acacias en République du Congo "en violation des droits des communautés locales", dénoncent les ONG. Une pratique également révélée dans une récente enquête de Mediapart.
Plus de transparence sur les mécanismes de compensation
"Cette enquête confirme que les projets de compensation qui émargent aux marchés d’échange de crédits carbone volontaires sont hors de contrôle faute de régulation contraignante. En l’absence de cadres régulateurs robustes, il y a des forts risques que des projets mettant en danger les droits des communautés locales dans les pays du Sud se multiplieront", réagit Myrto Tilianaki chargée de plaidoyer au CCFD-Terre Solidaire. Pour les ONG, il est donc essentiel que les entreprises soient transparentes sur les mécanismes de compensation qu'elles déploient mais aussi qu'elles définissent des trajectoires de réduction des émissions compatibles avec les objectifs fixés par l’Accord de Paris.
Cependant, la mise en place de contraintes supplémentaires pourrait aussi avoir un effet contraire à celui escompté, prévient Nathalie Pons, chargée des dossiers de transition écologique pour Havas, interrogée dans La Croix : "Il faut laisser aux entreprises un terrain pour qu’elles puissent valoriser leurs efforts de transition écologique, estime la publicitaire. Si elles ne peuvent plus le faire, il y aura moins de contraintes à ce qu’elles mettent des projets ambitieux en place."
Concepcion Alvarez @conce1