Publié le 28 août 2018
ENVIRONNEMENT
Climat, glyphosate, lobbying et incapacité à changer de modèle…ce qui a fait partir Nicolas Hulot
15 mois après sa nomination, Nicolas Hulot, quitte le gouvernement. Entre le CETA, le glyphosate et le nucléaire, les dossiers qui ont poussé à la démission le ministre de l'Écologie, ministre d'Etat et numéro deux du gouvernement, sont nombreux. Mais c'est globalement le modèle économique libéral perçu comme principal responsable de la crise écologique, et étouffé par les lobbys, qu'il dénonce.

Ludovic Marin / AFP
Nicolas Hulot s’était donné un an pour juger de son utilité au gouvernement. Il aura tenu 15 mois. Un mandat pendant lequel le ministre de la Transition écologique et solidaire s’est heurté à un système économique et financier libéral qu’il tient comme principal responsable de la crise écologique. "Est-ce qu’on s’est autorisé à sortir un peu de l’orthodoxie économique et financière ?", s’est interrogé le ministre sur France Inter ce matin à l’annonce de sa démission.
Il dénonce les "incohérences" et les "contradictions" du gouvernement poussé par la puissance des lobbys."Il faut poser ce sujet sur la table, parce que c’est un problème de démocratie : qui a le pouvoir et qui gouverne ?" a souligné l’ancien ministre qui dit avoir "baissé les bras" sur la possibilité de mettre un nouveau modèle de développement. Il a confié sa lassitude et sa solitude au sein du gouvernement dans lequel il a accumulé les bras de fer.
1. Nucléaire : le renoncement
C’est une des plus grosses couleuvres que Nicolas Hulot a dû avaler pendant son mandat. Alors que la loi de transition énergétique prévoyait un abaissement de la part du nucléaire dans le mix électrique français de 75 % à 50 % d’ici 2025, le ministre de la Transition écologique et solidaire a dû le repousser de 5 à 10 ans. "Il sera difficile de tenir ce calendrier de 2025 sauf à relancer la production d’électricité à base d’énergies fossiles", avait-il justifié s’attirant les foudres des antinucléaires.
Or aujourd’hui, son discours est bien différent. Dans son "interview vérité" à France Inter, le défenseur de l’environnement a fustigé le nucléaire, "cette folie inutile économiquement et techniquement, dans lequel on s’entête", avouant qu’il n’avait "pas réussi à convaincre" sur ce sujet.
2. L’interdiction du glyphosate ne sera pas inscrite dans la loi
Il avait presque gagné ce bras de fer. Pendant des semaines, Nicolas Hulot s’est battu contre Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture, pour une sortie du glyphosate en France sous trois ans. Il a finalement obtenu le soutien du Président de la République… qui a, par la suite, rétropédalé annonçant qu’il y aurait des "dérogations".
Pire, l’ex-ministre de l’Écologie, fervent défenseur de l’inscription de l’interdiction du glyphosate dans la loi, n’a pas obtenu satisfaction sur ce sujet. A la suite de sa démission, le gouvernement tiendra-t-il une promesse qui n’est pas gravée dans le marbre ?
3. Un modèle agricole intensif et pesticidé
C’était un des signes avant-coureurs de sa démission. Nicolas Hulot avait boudé, en décembre, la clôture des États généraux de l’alimentation (Egalim), estimant que les résultats n’étaient pas à la hauteur. Pour cause, deux thèmes principaux devaient être abordés : le faible revenu des agriculteurs et la transition vers une alimentation saine et durable dont la réduction des pesticides et le développement du bio sont la clef.
Or, les Egalim se sont concentrés sur le premier point, balayant quelque peu le deuxième."Je n’ai pas créé une complicité de vision avec le ministère de l’Agriculture alors qu’on avait une opportunité de changer le modèle agricole dominant", s’est d’ailleurs désolé Nicolas Hulot ce matin.
4. Le CETA, climato-incompatible
"Entre le climat et le CETA, Emmanuel Macron choisit le CETA", voilà comment les associations environnementales avaient accueilli l’entrée en vigueur du traité de libre-échange Union-Européenne - Canada en septembre 2017. Même la Fondation pour la Nature et l’Homme, ex-fondation Nicolas Hulot avait dénoncé la position du gouvernement. Et pour cause, la Commission d’experts indépendants mise en place par le Président avait sévèrement évalué l’impact environnemental du CETA.
Un point sur lequel est revenu Nicolas Hulot ce 28 août : "sur les sujets que je porte, on n’a pas la même grille de lecture", évoquant les positions d’Emmanuel Macron et d’Édouard Phillpe. "On ne remet pas en cause le modèle dominant. Je me suis largement prononcé sur des traités comme le CETA et on va en avoir une flopée d’autres".
5. L’inscription du climat dans la constitution reportée
Inscrire dans l’article 1 de la Constitution la lutte contre le dérèglement climatique et le respect de la biodiversité, voilà ce qu’avait obtenu Nicolas Hulot du gouvernement il y a quelques semaines. Le 13 juillet les députés ont d’ailleurs voté cette mesure. Mais elle a finalement été rejetée par les sénateurs et reportée par le gouvernement du fait du report de l'examen de la réforme des institutions. La loi Pacte, destinée à favoriser la croissance des entreprises, étant en tête des priorités.
Mais avec la démission de Nicolas Hulot, cette mesure pourrait même tomber dans les oubliettes. Elle avait en effet été accordée au ministère de la Transition écologique pour qu’il ne quitte pas le gouvernement, estimait-il alors. "Quand j’obtiens des choses, c’est pour éviter que je me barre", confiait-il le 2 août à Libération "ils m’ont donné l’article 1 de la Constitution (…) pour ne pas que je me barre. Le problème, c’est qu’ils devraient le faire par conviction".
Marina Fabre, @fabre_marina