Publié le 22 juin 2022
ENVIRONNEMENT
Fit for 55 : La taxe carbone aux frontières de l’Union européenne pourrait entrer en vigueur dès 2032
Après le choc du 8 juin, qui avait vu les parlementaires européens se déchirer sur la réforme du marché carbone, un nouveau vote de compromis est intervenu ce mercredi 22 juin en plénière. Les eurodéputés se sont accordés pour la fin des quotas gratuits, alloués à de nombreux industriels, en 2032, date à laquelle le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières entrera pleinement en vigueur. Si ce vote constitue une avancée pour le climat, les ambitions ont été revues à la baisse.

@iStock / AlexLMX
Session de rattrapage réussie pour les députés européens réunis en plénière ce mercredi 22 juin. Après l’échec du 8 juin, ils se sont mis d’accord sur l’un des principaux textes du paquet climat "Fit for 55" dans le cadre du Green Deal concernant la réforme du marché carbone. Ce mécanisme mis en place en 2005 impose aux industriels européens les plus polluants -production d’électricité, sidérurgie, ciment…-, à l’origine de 40 % des émissions de CO2, un prix du carbone sur leurs émissions de gaz à effet de serre. L'objectif est de les inciter à réduire leur impact carbone.
Le problème est que pour éviter les délocalisations, une grande majorité de ces acteurs bénéficient de quotas gratuits, à hauteur de 94 % des émissions industrielles. Autant dire que le dispositif n’est pas très efficace… "L’industrie européenne n’est pas incitée à investir dans la transition énergétique. C’est un énorme cadeau fait aux industriels qui bénéficient littéralement de droits à polluer" déplore Neil Makaroff, du Réseau Action Climat. Or c’est justement sur la suppression de ces quotas gratuits que les discussions ont achoppé il y a quinze jours, sous une pression intense des lobbyings.
Une réduction des émissions industrielles de 63 %
Ce mercredi 22 juin, l’ambiance était davantage au compromis. Finalement, c’est la date de 2032 qui a été retenue pour la fin des quotas gratuits, contre 2030 dans la proposition la plus ambitieuse et 2034 dans la version la moins ambitieuse. Le rythme de suppression de ces quotas gratuits a été ralenti mais l’objectif est d’en supprimer la moitié d’ici 2030, conformément à ce que proposait la Commission européenne. La réforme va permettre de réduire les émissions de l'industrie de 63 %, contre 67% défendus par les Verts. "Nous avons pu préserver l’essentiel mais les ambitions ne sont toujours pas à la hauteur" réagit l'eurodéputée verte Marie Toussaint sur Twitter.
La fin des quotas gratuits est essentielle car elle est intrinsèquement liée à la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Ce mécanisme a pour but d’imposer un prix carbone aux importations similaire à celui payé par les entreprises installées sur le sol européen. Il est donc indispensable que celles-ci ne bénéficient plus d’allocations gratuites. Le MACF entrera pleinement en vigueur à partir de 2032, lorsque les quotas gratuits auront disparu.
"La taxe carbone aux frontières qui fera payer aux importations leur juste prix du carbone est votée par le Parlement européen. C’est une première mondiale et une grande victoire politique" s'est réjoui l'eurodéputé Renew Pascal Canfin. Les députés européens ont également adopté l’extension du marché carbone au secteur maritime, à l’aviation, aux poids lourds et aux immeubles de bureaux, ainsi que la mise en place d’un Fonds social pour le climat afin d’accompagner les ménages dans la transition.
"Ça passe ou ça casse"
Désormais, ce sont les ministres européens de l’Environnement qui vont devoir se prononcer sur ces textes lors d’une réunion le 28 juin prochain. Mais les discussions s’annoncent houleuses, le chancelier allemand Olaf Scholz ayant déjà fait savoir qu’il s’opposait à la création d’un Fonds social sur le climat. Les ministres devront aussi confirmer la fin de la vente des véhicules thermiques neufs à partir de 2035.
La veille, le Conseil européen des ministres de l’Énergie se penchera quant à lui sur les directives énergies renouvelables et efficacité énergétique. L’enjeu sera de voir s’ils intègrent le plan Repower EU présenté par la Commission européenne en mai. Celui-ci prévoit de passer à 45 % d’énergies renouvelables d’ici 2030 (contre 40%) et de réduire la consommation d’énergie de 13 % (au lieu de 9%) d’ici 2030 par rapport à 2020.
Pour la France, qui assure la présidence du conseil de l’Union européenne (PFUE) jusqu’à la fin du mois, il est impératif de parvenir à des accords afin de brandir un bilan positif de ce mandat. "Emmanuel Macron avait promis d’avancer sur le paquet climat d’ici la fin de sa PFUE mais la dynamique de compromis s’annonce difficile avec un raidissement des positions. Ça passe ou ça casse car il n’y aura pas cette fois de session de rattrapage" prévient Lucie Mattera, responsable de la politique européenne au sein de E3G. Les trilogues se tiendront ensuite à l'automne pour une adoption définitive d’ici la fin de l’année.
Concepcion Alvarez @conce1