Publié le 21 mai 2023
ENVIRONNEMENT
Féris Barkat, fondateur de Banlieues Climat : "C’est difficile de parler de sobriété à quelqu’un qui n’a rien"
Féris Barkat se définit davantage comme un créateur de contenus qu’un influenceur. Le jeune Strasbourgeois a réussi l’exploit de rassembler des dizaines de milliers de vues en parlant d’urgence écologique et climatique sur TikTok. Outre les vidéos et les slams, il consacre tout son temps à former les jeunes des quartiers populaires à cet enjeu qu’il a lui-même découvert sur le tard, avec l'association Banlieues Climat qu'il a cofondé.

@Féris Barkat
Comment est arrivé votre déclic sur l’urgence climatique ?
Ça a commencé en terminale. Je n'étais au courant de rien. J’avais entendu parler des Marches pour le climat, certains élèves autour de moi y participaient, mais moi ça ne m’intéressait pas. Le déclic est arrivé avec un cours de philosophie sur le progrès. Mais ça été très progressif. J’ai commencé à me renseigner de mon côté, à aller lire les rapports, à écouter des interventions.
Comment se fait-il que vous n’ayez jamais entendu parler de climat avant ?
J'en entendais parler mais c'était un non-sujet. Il y a plusieurs barrières à l’entrée selon moi. Il y a un problème d'identification avec ceux qui incarnent le sujet écologique et un problème dans la façon dont il est abordé, sous l’angle de la surconsommation, ce qui ne fait pas sens dans certains milieux. Dans le discours dominant, la définition de l’action écologique passe forcément par la baisse de la consommation, la baisse des voyages en avion etc… mais on ne peut pas parler de sobriété à quelqu’un qui n’a rien, on ne peut pas lui demander de réduire ce qu’il n’a pas. Pour parler aux catégories populaires, aux jeunes de banlieues ou de milieu rural, il faut utiliser d'autres codes, d’autres référentiels qui vont davantage les toucher.
Comment abordez-vous justement le sujet dans les formations que vous dispensez auprès des jeunes avec votre association Banlieues Climat ?
On porte des discours davantage axés sur l’adaptation, les conséquences sur la santé, le vivre-mieux. S’attaquer à la question climatique permet de reposer la question du manque d'espaces verts dans les banlieues ou de l’importance de la rénovation énergétique. Les plus précaires souffrent déjà des conséquences du changement climatique lors des fortes chaleurs par exemple. On explique aussi que demain, la question sera au cœur de tous les débats et que s’intéresser à l’écologie amènera des opportunités économiques. On essaye de créer des récits et des imaginaires positifs. L’idée est d’embarquer tout le monde mais de dire aussi que ça va être compliqué.
Qu’est-ce qui vous fait tenir ?
J’ai été très éco-anxieux à une période, puis aujourd’hui je me surprends à l’être moins. Il y a un an, j’ai décidé d’arrêter la London School of Economics. Je me disais que le risque de ne pas avoir de diplôme était moins important que le risque de ne pas sauver la planète. En revenant en France, je me suis inscrit au Collège citoyen (réservé aux acteurs du changement, ndr) pour donner forme à mon engagement. J’ai été très bien entouré. C’est comme ça que j’ai cofondé l’association Banlieues Climat. Et depuis, j’ai beaucoup avancé au niveau de l’action. Je me dis que je suis aligné avec moi-même. J’ai la conscience tranquille.
Quels sont vos projets à venir ?
Je vais arrêter TikTok pour me concentrer sur des formats plus longs. Car même si j'ai réussi à fédérer une petite communauté (50 000 abonnés), le format est trop réduit pour permettre d'aborder les sujets en profondeur. Je m'en servirai plutôt comme teaser pour les amener sur des formats plus longs. J’écris aussi pas mal de slams, et j'essaye de porter un message tout en préservant le côté artistique. Je veux prouver qu’on peut allier divertissement et engagement. En rentrant de Londres, ma plus grande frustration était de ne pas réussir à parler d’écologie avec mes potes d’enfance. Je leur expliquais tout ce que j’avais découvert mais pas de façon assez claire. Aujourd’hui, ils en parlent aussi bien que moi autour d’eux. Je n’avais pas de potes écolos, je m’en suis créés.
Propos recueillis par Concepcion Alvarez