Publié le 22 septembre 2014

ENVIRONNEMENT

Face au réchauffement climatique, Naomi Klein encourage la radicalisation

Il y a urgence. Réduire les émissions de CO2 ne suffira pas à sauver la planète : c’est la mise en garde de Naomi Klein dans son dernier livre "This Changes Everything". Très critique envers les responsables politiques avant le Sommet sur le climat organisé demain par le secrétaire général des Nations Unies, l’essayiste militante a manifesté dimanche dernier à New York avec des centaines de milliers d’autres personnes. Elle estime que "le mouvement social" a seul le pouvoir d’impulser un changement de modèle économique.

Naomi Klein, à Washington, le 19 septembre 2014.
© FR

Comme des centaines de milliers de personnes, l’essayiste et journaliste canadienne Naomi Klein est allée manifester hier à New York pour demander aux dirigeants du monde d’agir contre le changement climatique. Cette figure emblématique du courant altermondialiste n’est pourtant pas une aficionado des grandes manifestations. Mais cette fois-ci, l’enjeu est trop fort.

C’est ce qu’elle expliquait l’avant-veille, dans un lycée huppé de Washington, lors de la présentation de son dernier livre : "This Changes Everything"1. Comme elle, une bonne partie de son auditoire avait prévu de faire le déplacement. Car c’est là que, ce mardi 23 septembre, 120 dirigeants du monde entier sont attendus par le secrétaire général des Nations Unies, Ban-Ki-Moon, pour tenter d’avancer, au plus haut niveau, sur la lutte contre le changement climatique. Un événement rarissime, car hors du processus des négociations annuelles habituelles.

Mais là où le secrétaire général des Nations Unies a choisi comme slogan "Accélérer le mouvement", Naomi Klein prône, elle, le "changement radical".

 

Le climat victime du "pouvoir de l’argent"

 

L’essayiste admet ne pas être une écologiste de la première heure. "Je me disais que la science, c’était trop compliqué (…) Et je continuais à me conduire comme si de rien n’était, avec cette carte brillante dans mon portefeuille qui prouvait que j’étais une cliente fidèle des compagnies aériennes", confie-t-elle. Mais l’auteure de "No Logo" prend peu à peu conscience que les maux économiques qu’elle dénonce – les privatisations, la dérégulation ou, plus récemment, les politiques d’austérité – ont un impact direct sur l’environnement. Or, le monde a justement laissé au marché le soin de régler la question climatique, estime-t-elle.


Pour échapper aux critiques, Naomi Klein a voulu que son essai soit le plus solide possible d’un point de vue scientifique. Les preuves ne manquent pas, le groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, plus connu sous le nom de GIEC, publie régulièrement, depuis 25 ans, un état alarmant de la situation.

 

Elle n’espère plus rien de Barack Obama

 

Depuis le 23 juin 1988 (année du 1er rapport du GIEC), "on a perdu le droit de croire qu’il n’y a pas de changement climatique", insiste Naomi Klein. Ce jour-là, le climatologue James Hansen met en garde pour la première fois officiellement les parlementaires américains. Ironie du sort, dans la salle du Congrès, la chaleur est étouffante : il fait plus de 35 degrés et... la climatisation est en panne.


Près de 25 ans plus tard, Naomi Klein n’espère plus rien des responsables politiques. Notamment de Barack Obama. La crise bancaire de 2008-2009 aurait dû permettre une remise en cause du système économique, assure l’essayiste, traumatisée par l’échec du Sommet de Copenhague . Aujourd’hui, elle reconnaît que "le timing est serré" pour agir. Et pas question de faire dans la demi-mesure. Le temps où l’on pouvait espérer seulement réduire les émissions de CO2 ou invoquer des innovations techniques "miracles" pour résoudre le problème appartient au passé.

 

Pas de solutions miracles, mais un appel à la mobilisation

 

La solution "radicale" prônée par Naomi Klein doit venir de tous. "Pour nous, grands consommateurs, cela signifie changer notre façon de vivre, changer le fonctionnement de nos économies, et changer même la manière dont nous envisageons notre place sur Terre." Elle encense les villes qui ont rompu les contrats les liant à des fournisseurs d’électricité privés. Elle rend hommage aux militants qui se sont opposés au projet d’oléoduc Keystone XL entre le Canada et les Etats-Unis.


Mais l’essayiste n’a pas de mesures prêtes à l’emploi. A ceux qui lui demandent si une révolution d’un tel ordre a déjà eu lieu, elle cite l’abolition de l’esclavage. A tous, elle dit compter aujourd’hui sur la force du "mouvement social"  pour impulser une dynamique. Dimanche, selon les organisateurs, ils étaient près de 400 000 dans les rues de New York pour la Marche pour le climat. Au milieu de la foule, on a pu apercevoir le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, l’ancien vice-président américain Al-Gore, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et plusieurs élus américains. Pas Barack Obama.


(1) "This Changes Everything : Capitalism vs the Climate" est sorti mi-septembre aux Etats-Unis et dans plusieurs pays anglo-saxons. L’ouvrage devrait être disponible en France au printemps 2015, aux éditions Actes Sud.

Fannie Rascle, à Washington
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