Publié le 05 mai 2022

ENVIRONNEMENT

En pleine vague de chaleur extrême, l’Inde relance sa production de charbon à des niveaux records

"C'est le serpent qui se mord la queue". L'Inde, qui subit une vague de chaleur historique liée au changement climatique, va augmenter sa production de charbon à des niveaux records. Entre les restrictions liées au Covid-19, les problèmes de logistique et une demande qui explose... l'approvisionnement ne suit plus. Aujourd'hui le charbon représente 70 % de la production électrique du pays. 

Vague de chaleur inde SANJAY KANOJIA AFP
"Cette vague de chaleur teste les limites de la capacité de survie humaine", estime l'experte Chandhi Singh.
SANJAY KANOJIA / AFP

"L’Inde brûle", disait à la fin du mois d’avril Chandra Bhusha, un des plus grands experts de l’environnement et du changement climatique en Inde. Plus d’une semaine plus tard, le pays et son voisin le Pakistan, connaissent enfin une accalmie après une vague de chaleur historique et des températures avoisinant les 50°C dans certaines localités. "Cette vague de chaleur teste les limites de la capacité de survie humaine", prévient Chandhi Singh, une des autrices du GIEC, les experts de l’ONU sur le climat. Mais le répit sera bref en pleine saison de printemps. Les météorologistes prévoient une hausse des températures à partir du jeudi 5 mai. Alors que la chaleur accable les millions d’habitants, la situation énergétique est particulièrement inquiétante.

Les mois de mars et d'avril exceptionnellement chauds ont fait grimper la demande énergétique, si bien que les centrales électriques manquent à présent de charbon pour répondre aux besoins. Plusieurs villes pakistanaises ont ainsi subi jusqu'à huit heures de coupure de courant par jour, tandis que des zones rurales enregistraient des délestages la moitié de la journée.

Une mesure à contre-courant des recommandations du GIEC 

Dans la mégalopole indienne de New Delhi, où la température a atteint 43,5°C vendredi 29 avril, les autorités estimaient qu'il reste "moins d'un jour de charbon" en stock dans de nombreuses centrales électriques. "La situation dans toute l'Inde est désastreuse", selon Arvind Kejriwal, ministre en chef de Delhi. Alors que le charbon représente 70 % de la production électrique du pays, l’Inde a décidé d’augmenter sa production et ses importations de ce combustible fossile particulièrement émetteur de gaz à effet de serre.

"C’est le serpent qui se mord la queue", analyse Thibault Laconde, ingénieur spécialiste des risques climat et fondateur du cabinet Callendar. En relançant à plein le charbon, l’Inde participe ainsi directement au changement climatique qui lui-même génère des vagues de chaleur extrêmes. Une mesure à contre-courant de ce que préconise de nombreux spécialistes, c’est-à-dire une réduction rapide et radicale es émissions de gaz à effet de serre dans les tous les secteurs.

"L’Inde joue avec les cartes qu’elle a en main à l’instant T"

"Ce n’est pas au moment où l’on subit une vague de chaleur que l’on va repenser notre système énergétique", nuance Thibault Laconde, "L’Inde joue avec les cartes qu’elle a en main à l’instant T. Il faut reconnaître cette situation-là, cela ne sert à rien de stigmatiser un pays", explique-t-il. D’autant que "la crise climatique actuelle n’est pas due à l’industrialisation de l’Inde mais à l’industrialisation occidentale de ces 15 dernières années", note Harjeet Singh, un expert du climat qui milite pour un traité de non-prolifération des combustibles fossiles.  

En attendant, les réserves de charbon diminuent et la relance ne va pas répondre aux demandes à court terme. Selon l'Institute for Energy Economics and Financial Analysis, les stocks de charbon ont chuté de 14 % depuis début avril. Et les vagues de chaleur ne sont que la goutte d’eau. Plusieurs raisons viennent expliquer ces difficultés comme le redémarrage économique post Covid-19, les potentiels troubles d’importations russes, les perturbations logistiques…

"A court terme il faut améliorer l’efficacité énergétique des climatiseurs et miser sur la rénovation des bâtiments notamment", préconise Thibault Laconde qui rappelle que les pays du Sud ne sont pas les seuls touchés. "Qui aurait pu penser qu’un dôme de chaleur allait se former en Amérique du Nord à l’été 2021 ? Et on ne peut pas dire qu’ils étaient mieux préparés… ", conclut-il. 

Marina Fabre Soundron @fabre_marina avec AFP


© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

ENVIRONNEMENT

Climat

Les alertes sur le changement climatique lancées par les scientifiques conduisent à l’organisation de sommets internationaux, à la mise en place de marché carbone en Europe mais aussi en Chine. En attendant les humains comme les entreprises doivent déjà s’adapter aux changements de climat dans de nombreuses parties du monde.

Antarctique Unsplash Cassie matias

La Terre est sur le point de franchir cinq points de bascule : une menace "sans précédent"

La Terre toujours plus dans le rouge. Sur 26 points de bascule – ou "tipping points" - identifiés, cinq sont à la limite d’être franchis, et trois autres pourraient l’être très prochainement si les températures continuent d’augmenter, avertit une nouvelle étude publiée ce mercredi 5 décembre. Une...

Fin des énergies fossiles Lobbies KARIM SAHIBAFP

2 456 lobbyistes fossiles à la COP28, une marée noire record

C'est le chiffre choc de la COP28. 2 456 lobbyistes fossiles - "au moins" - ont obtenu une accréditation pour participer à ce nouveau sommet pour le climat, qui se tient actuellement à Dubaï. Ce nombre dévoilé par une coalition d’ONGs, Kick Big Polluters Out, montre à quel point l’ombre des lobbies...

CO2 Photo de Markus Spiske sur Unsplash

Niveau record d’émissions de CO2 dans le monde : les trois graphiques à retenir

Alors que la première semaine de la COP28 s’achève à Dubaï, la nouvelle édition du Global Carbon Project, publiée ce mardi 5 décembre, rappelle que les émissions de CO2 ne cessent d’augmenter, jusqu’à atteindre un niveau record en 2023. En cause, la Chine et l’Inde, dont la consommation de charbon...

Baril petrole bourse risque prim91 1

COP28 et sport : les pays du Golfe, les rois du soft power

Entre la COP28 organisée aux Emirats arabes Unis ou la main-mise du Qatar et de l’Arabie Saoudite sur les grands évènements sportifs, le soft power des pays du Golfe s’étend, au détriment de la lutte contre le dérèglement climatique.