Publié le 08 septembre 2017
ENVIRONNEMENT
[Décryptage] Été 2017, la bande-annonce d’un monde à +4 °C
Nous sommes tous estomaqués devant les destructions à Houston, à Saint-Martin, à Mumbai… L’alerte sur les déchaînements de la nature liés au changement climatique a pourtant été lancée depuis longtemps. L’été 2017 pourrait bien être un simple teaser de ce que sera la planète dans quelques décennies, si le réchauffement moyen dépasse effectivement les 2°C, le seuil qu’a fixé au monde l’Accord de Paris.

@Nasa
Tempête Irma, ouragan Harvey, mousson diluvienne en Inde, incendie au Groenland, bulles de méthane en Sibérie, iceberg géant en Antarctique… Ces derniers mois, la Terre nous diffuse la bande-annonce spectaculaire d’un film bien peu réjouissant : "Un monde à +4 °C". La multiplication de ces événements extrêmes est la mise en pratique du changement climatique que le monde expérimente à taille réelle.
Au-delà de ces catastrophes naturelles, cette bande-annonce évoque aussi la calamité du terrorisme (Barcelone, Ouagadougou, Londres...), qui trouve aussi une partie de sa genèse dans le réchauffement, à travers les déstabilisations politique qu’entraîne le manque d’eau et de nourriture. Lors du dernier G20, Emmanuel Macron avait été raillé en associant terrorisme et climat. "On ne peut pas prétendre lutter efficacement contre le terrorisme, si on n’a pas une action résolue contre le réchauffement climatique", expliquait-il alors. Une vérité portée en France par l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques).
Sceptique jusqu’au bord de l’abîme
Pour ce qui est des événements météorologiques, les climatologues sont prudents. À juste titre, ils rappellent que des épiphénomènes, comme Harvey ou Irma, ne sont pas forcément attribuables qu’au changement climatique. Et ils ont parfaitement raison. De telles catastrophes ont déjà eu lieu dans la première moitié du XXe siècle alors que la question du carbone ne se posait pas encore…
Une rigueur scientifique qui permet à certains de justifier encore leurs climatoscepticismes. Scott Pruitt, le controversé directeur de l’Agence de protection de l’environnement americain, réagissait dans une interview à la dévastation de Houston. Selon, lui, il est "déplacé" que des "médias opportunistes cherchent à discuter de la relation de cause à effet (entre le changement climatique et la tempête), au lieu de se concentrer sur les gens dans le besoin". Avec beaucoup d’ironie, les scientifiques membres du Bulletin of Atomic Science qui tiennent à jour la fameuse Doomsday clock, l’horloge de l’Apocalypse (1), jugent que cette déclaration du fidèle de Donald Trump "sonne comme une sorte d’épitaphe".
Le money shot du changement climatique
La causalité entre le changement climatique et ces tempêtes est pourtant clairement à établir. Dans une bande-annonce, nous parlerions de "money shot", ces scènes de destruction qui captent l’attention des spectateurs pour les faire venir dans les salles obscures (par exemple la Maison-Blanche détruite dans Independance Day). Ces quelques secondes de tournage coûtent des millions de dollars aux studios. Sauf que dans le film "un monde à +4 °C", ces millions, ces milliards de dollars ne seront pas remboursés à ceux qui ont tout perdu… D’autant que déjà dans un pays aussi prospère que les États-Unis, on s’aperçoit que le fonds public pour les inondations, qui croule sous plus de 25 milliards de dollars de dettes, risque de laisser beaucoup de Texans sur la paille.
Dans une vraie bande-annonce de blockbuster, il y a toujours un héros, que ce soit Dwayne Johnson (San Andreas), Bruce Willis (Armageddon) ou Milla Jovovich (Le cinquième élément), pour sauver le monde de l’apocalypse… Pas sûr que le film "un monde à +4 °C" ait prévu ces héros. À moins que, sans vouloir spoiler la fin de l’histoire, le message soit que nous devons tous devenir les Jennifer Lawrence de l’économie circulaire, les Vin Diesel de la finance verte, les Charlize Theron des énergies bas carbone…
Ludovic Dupin @LudovicDupin
(1) Une horloge symbolique où minuit marque la fin du monde. Les scientifiques l’ont réglé à 23h57m30s alertant sur le risque climatique et nucléaire