Publié le 19 juillet 2023
ENVIRONNEMENT
COP28 : les lignes de négociations commencent à se dessiner
Sortie des énergies fossiles, financement des pertes et dommages, objectif 1,5°C, triplement des énergies renouvelables... Voici les principaux sujets qui seront à l'ordre du jour de la COP28, le prochain sommet international pour le climat qui se tiendra en décembre à Dubaï. Son président, Sultan Al Jaber, vient de présenter ses objectifs, tandis que des coalitions pour plus d'ambition se forment et que les relations climatiques Chine-États-Unis reprennent.

FRANCOIS WALSCHAERTS / AFP
Comme lors des deux précédentes éditions, la question de la sortie des énergies fossiles sera au cœur de la COP28, qui se tiendra du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï, aux Émirats arabes unis. En amont de cette conférence cruciale pour le climat, un sommet ministériel pour l'action climatique (MoCA) s’est tenu à Bruxelles la semaine dernière. Une coalition de dix-huit pays, menée par les Îles Marshall, y a réclamé "une sortie urgente des énergies fossiles" et "un pic des gaz à effet de serre d'ici à 2025". Le texte a été signé par des ministres représentant l'Allemagne, la France, le Sénégal, la Colombie, plusieurs États insulaires et par Frans Timmermans, le commissaire européen à l'Environnement.
Ce dernier n’a d'ailleurs pas hésité pas à mettre les pieds dans le plat en appelant à éliminer "bien avant 2050 les combustibles fossiles ‘unabated’", c'est-à-dire non adossés à des dispositifs de captage ou de stockage de carbone. Ce terme anglais, jusqu’ici retenu dans les précédentes conclusions de COP, promet d'être âprement débattu d'ici à la COP28. "Les technologies de réduction d'émissions et de dépollution ("abatement technologies" en anglais) ne doivent pas servir de feux verts à l'expansion continue des combustibles fossiles (...) et devraient être reconnues comme n'ayant qu'un rôle minimal à jouer dans la décarbonation" de l'énergie, mettent en garde les dix-huit ministres.
"Je n'ai pas de baguette magique"
Face à eux, le président émirati de la COP28, Sultan al-Jaber, se veut pragmatique, restant vague sur une possible échéance. "Je n'ai pas de baguette magique, je ne veux pas inventer des dates qui ne sont pas justifiées" faute de développement suffisant des énergies bas carbone pour répondre à la croissance mondiale, a-t-il déclaré dans un entretien à l'AFP. "Nous ne pouvons pas mettre fin au système énergétique actuel avant d'avoir construit le système énergétique de demain", ajoute-t-il, tout en reconnaissant que la réduction des fossiles est "inévitable" et "essentielle".
Celui qui est également patron d'Adnoc, la compagnie pétrolière émiratie, en a profité pour livrer pour la première fois les objectifs qu'il entend porter à la COP28, devant les ministres de plus de 30 pays présents à Bruxelles. Ils sont plutôt consensuels : triplement de la capacité des renouvelables dans le monde d'ici à 2030, à 11 000 gigawatts, doublement de l'amélioration de l'efficacité énergétique d'ici à 2030 et de la production d'hydrogène à 180 millions de tonnes d'ici à 2030.
"Nous devons tout faire pour que les 1,5°C restent à portée de main", se positionne Sultan al-Jaber, mettant volontairement de côté l'objectif de 2°C que beaucoup de pays voudraient voir revenir sur la table. "Je n'ai aucun doute que nous serons en mesure de produire un résultat concret" au terme d'une COP "tournée vers l'action (...) et soutenue par le secteur privé et les capitaux privés", résume le président de la COP28, qui se dit optimiste.
Les États-Unis "ne paieront pas de réparations"
Les négociations à Dubaï porteront aussi sur la mise en œuvre du mécanisme de financement des pertes et dommages, acté lors de la COP27 à Charm-el-Cheikh, en Égypte, et qui doit venir soutenir les pays vulnérables à la suite de catastrophes climatiques. Là aussi, les discussions promettent d’être enflammées. Et John Kerry, l'envoyé spécial américain pour le climat, a remis de l’huile sur le feu ces derniers jours. Auditionné au Congrès sur ce fonds, il a indiqué que les États-Unis "ne paieront pas de réparations aux pays en développement touchés par des catastrophes alimentées par le climat", semant le trouble.
"Si les propos de John Kerry ne sont pas surprenants, ils traduisent à quel point l'administration américaine a encore fort à faire pour soutenir les populations les plus affectées par le changement climatique et réduire massivement son empreinte carbone. Parmi les pays historiquement les plus pollueurs au monde, les États-Unis ont une responsabilité majeure dans l'accélération et l'intensification des vagues de chaleur, inondations et sécheresses qui affectent les populations du Sud de manière disproportionnée" réagit auprès de Novethic Fanny Petitbon, responsable plaidoyer pour Care France.
Pour Alden Meyer, analyste politique au sein du groupe de réflexion sur le climat E3G, les propos de John Kerry sont toutefois à tempérer. "John Kerry rejetait non pas le principe du fonds pour les pertes et dommages, mais la notion de réparations climatiques, qui implique une responsabilité juridique", explique-t-il à Climate Home News. "(Le fonds) est simplement une reconnaissance… il n'a aucune responsabilité - nous avons spécifiquement mis des phrases qui nient toute possibilité de responsabilité", a précisé l’envoyé spécial.
Celui-ci s’est ensuite envolé pour la Chine afin de tenter de relancer la machine climatique, qui avait notamment permis d’aboutir à l'Accord à Paris. Le dialogue entre les deux plus gros pays émetteurs avait été interrompu il y a près d’un an par la Chine qui entendait protester contre le déplacement à Taïwan de Nancy Pelosi. L’ambiance semble désormais au réchauffement, alors que la Chine mais aussi les États-Unis sont frappés de plein fouet par les impacts du changement climatique. Une bonne nouvelle à cinq mois de la COP28, la COP la plus importante depuis celle de 2015.
Concepcion Alvarez avec AFP