Publié le 03 décembre 2018

ENVIRONNEMENT

COP24 : la Pologne tente d’imposer sa vision d’une transition écologique juste

Les discussions à Katowice ce lundi 3 décembre vont porter sur une transition juste. La Pologne, qui accueille la COP24, la 24e conférence onusienne sur le climat, entend faire signer aux 30 chefs d'États présents une déclaration sur la "Transition Juste". Le pays est particulièrement concerné puisqu’il dépend à 80 % du charbon et compte 85 000 mineurs. Mais la France doit également y faire face avec le mouvement des gilets jaunes. 

Le secteur minier polonais emploie 85 000 personnes.
@DmyTo

C’est un thème cher à la Pologne, celui de la transition juste. En marge des négociations diplomatiques, le pays va présenter ce lundi 3 décembre à la COP24, sa "Déclaration de Silésie" en référence à la région minière qui accueille la 24e conférence onusienne sur le climat jusqu’au 14 décembre. Depuis plusieurs mois, la Pologne tente de faire émerger cette thématique alors que le pays compte 85 000 mineurs et est encore extrêmement dépendant du charbon pour son énergie.

Les signataires de la déclaration devront "reconnaître les défis auxquels sont confrontés les secteurs, les villes et les régions en transition qui se détournent des énergies fossiles et des industries à fortes émissions et l'importance d'assurer un avenir décent aux travailleurs touchés par la transition". Ils souligneront également les possibilités d'emploi offertes par la transition vers des économies à faibles émissions de gaz à effet de serre.

Ralentir la transition ? 

"Sur le papier, rien à dire sur cette initiative, indique Fanny Petitbon, en charge de la coordination de l’ONG Care. Mettre en place un dialogue social participatif, avec les syndicats et les territoires concernés, est plutôt une bonne chose. La transition écologique doit être accompagnée de mesures sociales."

D’autres observateurs craignent cependant que cette démarche ne soit qu’une excuse pour retarder le passage à une économie bas-carbone. Or le temps presse, comme le rappellent plusieurs études récentes. "Si le concept de transition juste est utilisé pour retarder le changement, il ne parviendra pas à faire le pont entre les travailleurs industriels locaux et les communautés affectées dans le monde entier", réagit Alexander Reitzenstein, conseiller chez E3G.

De son côté, le premier ministre fidjien, Frank Bainimarama, président de la OCP23, rappelle que "la justice exige aussi que les êtres humains qui sont confrontés à des phénomènes météorologiques extrêmes, à la montée des eaux ou à des changements dans l'agriculture, aient aussi la possibilité et les moyens de s’adapter." 

26 000 milliards de dollars de gains d'ici 2030

Cette déclaration fait également écho à la situation que connaît la France depuis quelques semaines. Le mouvement de protestation des Gilets jaunes a démarré en réaction à la hausse de la fiscalité écologique sur les carburants. Le Premier ministre Édouard Philippe a justement annulé sa venue au sommet pour consulter toute la journée les responsables des principales forces politiques du pays, ainsi que les figures du mouvement de contestation.

En septembre, un rapport de Commission mondiale pour l’économie et le climat indiquait qu’une transition bas-carbone pourrait générer 26 000 milliards de dollars de gains économiques cumulés, comparé à un scénario Business as usual, d’ici 2030. 65 millions d'emplois pourraient en outre être créés à cette échéance dans l’économie bas-carbone, soit l'équivalent de l'ensemble de la main-d'œuvre actuelle du Royaume-Uni et de l'Égypte. Et 700 000 décès prématurés dus à la pollution atmosphérique seraient évités. Reste désormais à convaincre mais surtout accompagner les principaux intéressés dans ce changement profond de cap.

Concepcion Alvarez, @conce1


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