COP22 : climat en danger cherche leadership désespérément
Une semaine après son élection, la "menace Trump" pèse plus que jamais sur la COP22 et les négociations climatiques actuellement en cours à Marrakech. Et contraint les diplomates à redessiner une géopolitique du climat se passant du leadership américain. Un exercice auquel ils ne s’étaient pas préparés.

Fadel Senna / AFP
"Le leadership de la Chine et de l’Union européenne sur le climat et l’énergie verte est plus important que jamais." C’est Miguel Arias Canete, le Commissaire européen à l’énergie, qui l’affirme dans un tweet. "Nous nous sommes accordés pour booster cette coopération et nous allons faire une annonce importante prochainement", ajoute-t-il.
Car il s’agit de combler le vide, abyssal, laissé par les États-Unis, dans la foulée de l’élection du climato-sceptique Donald Trump la semaine dernière. De fait, le binôme formé par Washington et Pékin a été décisif et a notamment permis l’adoption de l’Accord de Paris. L’action concertée des deux plus grands pollueurs de la planète, autrefois mis au pilori pour leurs blocages dans les négociations sur le climat, a entrainé un cercle vertueux sur l’action climatique mondiale, selon Thomas Spencer, de l’IDDRI.
"Pas préparés"
Mais depuis le 8 novembre, cette dynamique est sérieusement enrayée. Officiellement, les diplomates du climat s’efforcent de montrer leur optimisme. Et ne peuvent imaginer que les États-Unis se dégagent de leurs responsabilités climatiques. "Si les États-Unis sortent de l’Accord de Paris, qui souffrira le plus ? Le monde ou les États-Unis ? À mon avis, ce sont les États-Unis", affirme Manuel Pulgar Vidal, ex ministre de l’Environnement péruvien désormais directeur international de WWF, dans un entretien avec la presse française.
Mais le langage policé ne peut cacher l’inquiétude qui pèse sur les négociateurs. "Nous n’étions clairement pas préparés à ce cas de figure", rapporte un délégué africain. "L’élection de Trump nous a tous pris par surprise. C’est un cauchemar. Nous sommes dans l’incertitude la plus complète." Et la nomination par le futur 45ème président des États-Unis de Myron Ebell, une figure très active du scepticisme climatique, pour assurer la transition au sein de l’Agence environnementale américaine (EPA), n’est pas pour rassurer la communauté internationale réunie à Marrakech.
Le recours chinois
Pour Pierre Canet du WWF, "il y a un espace politique à prendre après les élections américaines". La Chine, qui, fait exceptionnel dans la diplomatie climatique, a par deux fois ouvertement et sévèrement critiqué les positions du candidat républicain, a affirmé qu’elle allait continuer sa politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
L’Europe, discrète pendant la première semaine de ces négociations, cherche encore sa place. L’Allemagne, souvent citée en exemple pour son "energiewende" (transition énergétique), a présenté lundi 14 novembre son plan climat 2050, qui ajoute au trouble actuel : outre-Rhin, l’opposition critique un plan peu ambitieux, insuffisant pour limiter les émissions de gaz à effet de serre du pays. Des critiques sévères, qui dénoncent le blocage du ministère de l’Économie quant à une sortie du charbon par l’Allemagne.
L’arrivée aujourd’hui de près de 180 responsables – chefs d’État et ministres – changera-t-elle la donne ? "Nous attendons qu’ils rappellent qu’ils sont prêts à continuer l’action et à l’accélérer, et qu’ils envoient un message fort à Trump et au reste du monde", a déclaré Célia Gautier, du Réseau Action Climat.