Publié le 02 décembre 2015

ENVIRONNEMENT
COP21 : l'assurance climat, enjeu clé des négociations
Avec ses innombrables crochets et un usage intensif du conditionnel, la lecture du texte actuellement en cours de négociation est particulièrement ardue. Difficile de discerner les implications concrètes d’un texte aussi alambiqué. Pourtant, derrière les formules diplomatiques se cachent des enjeux très concrets. C’est le cas de l’article 5 du brouillon, le mécanisme des pertes et dommage. Décryptage.

Suvra Kanti Das / Citizenside / AFP
La région du Sirajgani, au Bangladesh, est le théâtre régulier d'inondations. A chaque fois, elles engloutissent sous les eaux les petites parcelles cultivables. Elles sont les seules sources de revenu pour les familles d’agriculteurs. Que faire ? Attendre un soutien financier de l’extérieur prend trop de temps. Il ne répond pas à l’urgence de la situation. C’est ici qu’intervient l’assurance climat pour les pays en développement.
"Une assurance climat permet de fournir une aide ciblée, rapide et efficace", explique Saleemul Huq, directeur du Centre international pour les changements climatiques au Bangladesh et conseiller du groupe 77.
Remettre sur pied une économie locale dévastée
Et l’expert sait de quoi il parle, son pays a mis en place un projet pilote d’assurance climat. Et les retours d’expériences sont, selon lui, plus que satisfaisants. C’est pour cette raison qu’il est venu à Paris : pour prouver que c’est un levier économique efficace. Il est capable de relancer une activité économique locale réduite à néant.
De quoi s’agit-il ? D’une assurance calculée sur des indices météorologiques. "On détermine un seuil d’inondation par exemple. Quand il est dépassé, les assurés touchent leurs primes. Et ils peuvent se remettre à pied d’oeuvre immédiatement". Au Bangladesh, le financement de cette assurance climat est assurée par des fonds publics allemands. Berlin verse son enveloppe à un assureur national, en l’occurrence Pragati. Les populations locales ne sont en effet pas en mesure de payer les mensualités.
Elles ne sont pas non plus nécessairement familières avec ce concept. "C’est le défi majeur du projet : faire connaître cet instrument économique auprès des ménages", poursuit Saleemul Huq. C’est l’ONG Oxfam qui se charge de ce travail pédagogique, en partenariat avec l’assureur bengali. Une fois connu, l’assurance fait rapidement des émules, assure-t-il.
L’article 5 dans les négociations : tout ou rien
L’idée d’une assurance climat n’est pas nouvelle. En juin dernier, le G7 l’avait officiellement soutenue avec l’objectif d’en faire bénéficier 400 millions de personnes à travers le monde d’ici 2020.
Surtout, elle figure actuellement dans le brouillon du texte, sous l’article 5 intitulé "pertes et dommages". C’est le fruit d’un travail diplomatique acharné des pays en voie de développement. Et tout particulièrement du groupe de négociation G77+Chine. "Il s'agit d'un groupe très hétérogène. Il est plus facile pour lui de dire non à des propositions. Mais sur un point, le groupe est unanime : que le mécanisme des pertes et dommage figure dans le texte définitif de l’accord", explique l’universitaire bengali. Avec des poids lourds comme la Chine, l’Inde ou encore le Brésil, le G77 pèse dans les négociations.
Question prégnante lors de cette première semaine de discussions : les chance d'aboutir sur ce point sont-elles bonnes ? Pour Saleemul Huq, deux options sont aujourd'hui sur la table. La première qui décrit dans le détail les modes d’application du mécanisme des pertes et dommages. Cette option est soutenue par les pays en développement. La deuxième : que le mécanisme ne figure pas dans l’accord final. Elle est soutenue par les pays de l’ombrelle. "C’est tout ou rien", résume l’expert.
Les négociations autour de la question sont actuellement en cours. A huis clos. Ce sont les chefs d’Etat et de gouvernement qui trancheront.
Le rendez-vous est donc pris à la fin de la semaine prochaine.