Publié le 05 juin 2015

ENVIRONNEMENT

Conférence climat : les initiatives se multiplient pour mobiliser les citoyens

Qu’est-ce que la COP 21 ? Quels enjeux brasse-t-elle ? Quelles décisions doivent être prises ? Pour avoir une idée de la conscience environnementale des citoyens, une consultation planétaire est lancée le 6 juin, pendant 24h, des îles Fidji à la côte ouest des États-Unis. Plus de 10 000 citoyens seront interrogés. L’occasion de dresser un état des lieux de la mobilisation citoyenne sur le climat, à quelques mois de la conférence onusienne qui se tient à Paris du 30 novembre au 11 décembre prochain.

Simulation des négociations climatiques au Théâtre des Amandiers à Nanterre.
Concepcion Alvarez / Novethic

"Nous ne nous engagerons dans la transition énergétique que si l’on nous donne les outils pour nous transformer. Ce que l’on demande c’est un transfert de technologie, de compétences, et nous avons aussi besoin d’engagements sur le financement", déclare Martin, 26 ans, élève en Master à Sciences Po, ou plutôt ministre de l’environnement du Nigeria. Pendant une semaine, il a revêtu ce costume afin de représenter le pays à la simulation des négociations onusiennes sur le climat qui se sont tenues au Théâtre des Amandiers de Nanterre, rebaptisé Théâtre des Négociations.

Comme lui, du 26 au 31 mai dernier, plus de 200 étudiants de l’école de la rue Saint-Guillaume (mais aussi du monde entier) ont participé à ce jeu de rôles, événement phare de l’initiative Make it Work, portée par Sciences Po. Les négociations ardues, parfois chaotiques, ont laissé la grande muraille du Sahara, représentée par Clémentine, sur les rotules. "C’est psychologiquement très intense. On est soumis à une pression très forte", raconte l’étudiante en relations internationales à l’université Paris 2.

 

Des entités non humaines représentées

 

Cette initiative, voulue par le sociologue Bruno Latour, directeur du programme expérimental en arts politiques de Sciences Po, et Laurence Tubiana, ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique pour la France, est née du constat d’échec des précédentes COP. Pour inverser la tendance, il faut changer les règles. C’est pourquoi ils ont jugé pertinent de faire s’exprimer des "entités non-humaines". Sur les 42 délégations représentées, on trouve donc la jeunesse, Internet, les espèces en danger, les peuples indigènes, la mer, ou encore le pétrole enfoui.

Les étudiants ont toutefois eu du mal à innover et à sortir du cadre établi. "Il est très difficile d’être créatif tout en restant réaliste dans notre représentation", témoigne Martin, qui n’a dormi que 2h30 la nuit précédant la signature de l’accord.  La moitié des étudiants a souhaité continuer à travailler sur le texte onusien de départ. L’autre moitié a choisi de repartir d’une feuille blanche pour ne pas reproduire ce qui a déjà été fait et proposer une alternative.

"Si vous parvenez à un accord, je pourrai l’amener et m’en servir comme exemple lors de la 'vraie' conférence climat", avait promis Laurence Tubiana lors du coup d’envoi de l’événement. Pari réussi ! Une signature a finalement été obtenue à l’arrachée dimanche 31 mai au soir. Et cerise sur le gâteau, plus d’un millier de visiteurs s’est rendu au théâtre tout le week-end et s’est immergé dans la COP 21.

 

Quels modes de vie en 2050 ?

 

Mobiliser les citoyens lambda, c’est aussi ce que cherche à faire l’association 4D qui vient de lancer Our Life 21, des ateliers de projection participative sur le climat. "L’objectif est de réussir à parler à tout le monde dans un contexte de complexification des discours sur le climat", précise Marie Chéron, en charge de l’animation du dispositif. "Nous amenons les gens à réfléchir à ce que seront leurs modes de vie en 2050."

Pour cela, une méthodologie a été mise en place, et est testée depuis un an. Les participants aux ateliers sont invités à imaginer l’histoire d’une famille type jusqu’en 2030 puis 2050, avec calcul de son bilan carbone et mises en situation. Au total, une centaine d’animateurs ont été formés pour sensibiliser les citoyens dans toute la France.

Une tâche qui s’annonce difficile au vu de l’étude Ethicity 2015 publiée cette semaine. Un quart des Français interrogés rejettent le discours sur l’environnement. De même, un rapport de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), publié en décembre 2014, évalue à 28 % les Français qui estiment que le réchauffement climatique n’est pas dû aux activités humaines. Ils sont 37 % à considérer qu’il s’agit d’un sujet sur lequel les scientifiques sont en désaccord, alors qu’un consensus existe depuis plusieurs années.

 

Le Tour Alternatiba pour sensibiliser

 

Pour Vincent Laurent, du mouvement Alternatiba en Île-de-France, il s’agit de trouver le moyen de parler autrement au grand public : "Ce que nous proposons, ce sont des solutions concrètes qui existent déjà et qui ont fait leurs preuves". Le mouvement citoyen est né il y a un an et demi au Pays basque. Depuis, 70 villages ont été organisés et 120 groupes locaux créés dans toute la France. À Paris, le 1er village est organisé les 26 et 27 septembre prochains avec en ligne de mire la COP 21.

"Dans ce grand village, nous allons rassembler des porteurs de solution de toute la région pour qu’ils travaillent ensemble et qu’ils expliquent ce qu’ils font au quidam. Le but est de transmettre des solutions clés en main et montrer qu’elles sont à la portée de tous", explique Vincent Laurent. Ce week-end-là marquera aussi l’arrivée du Tour Alternatiba. Partie ce 5 juin de Bayonne, cette "vélorution" climatique de 5 600 km traversera six états européens, à la rencontre de milliers de personnes.

 

La plus grande consultation citoyenne au monde

 

Ce samedi 6 juin, ce sont plus de 10 000 personnes qui vont être interrogées à travers le monde entier sur le climat. La plus grande consultation citoyenne jamais organisée. "Les négociateurs climatiques ne peuvent se passer de l’avis des citoyens" a affirmé Christian Leyrit, le président de la CNDP (Commission nationale pour le débat public) et co-coordinateur de l’événement, lors de sa présentation à la presse.

 

 

Le même questionnaire, suivant le même protocole, sera appliqué dans chacun des 83 pays participant à l’opération. Pour chaque débat, 100 citoyens représentatifs ont été sélectionnés selon des critères tels que le sexe, l’âge, la catégorie socio-professionnelle, le niveau d’éducation…. Toute la journée, ils auront à répondre à une trentaine de questions sous la forme de QCM (questionnaire à choix multiple), découpées en cinq séquences. Pour chacune d’entre elles, une vidéo posera les enjeux.

Les résultats seront connus en direct tout au long de la journée sur le site de l’opération. Ils seront ensuite analysés et présentés à Bonn, où sont réunis les négociateurs climatiques jusqu’au 11 juin. L’idée est de mettre en évidence les points de convergence et de divergence afin de déboucher sur des propositions concrètes, réunies dans un rapport qui sera remis aux décideurs.

 

Un mouvement citoyen climatique en construction

 

La solution doit venir des citoyens, prône Naomi Klein dans son dernier ouvrage "Tout doit changer1". L’essayiste et journaliste américaine l’a réaffirmé lors de son passage à Paris fin mars : "Le mouvement climatique est en pleine ascension. Les étudiants qui mènent la campagne de désinvestissement des carburants fossiles doivent se rassembler avec le mouvement des ZAD [zones à défendre tels que Notre-Dame-des-Landes, ndlr], avec ceux aussi qui luttent contre la fracturation hydraulique ou contre l’austérité. La COP 21 est l’opportunité pour que tous ces mouvements ne fassent plus qu’un."

Plus que jamais, les citoyens ont entre les mains le moyen de peser sur l’avenir climatique de la planète.


[1] "Tout peut changer, capitalisme et changement climatique", de Naomi Klein, édition Actes Sud, 540 pages, mars 2015.
 

Concepcion Alvarez
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