Publié le 21 mai 2015

ENVIRONNEMENT

Climate Business Summit : un consensus et des promesses à tenir

Le Climate and Business Summit s'est achevé ce jeudi 22 mai sur un consensus : les entreprises sont conscientes du risque climatique, et constituent désormais une véritable force pour lutter contre le réchauffement de la planète. Les dirigeants ont martelé l'importance de voir émerger un prix du carbone, mais sans s'accorder réellement sur les détails de sa mise en œuvre. Les gouvernements ont quant à eux appelé les entreprises à rendre publics leurs engagements. Le tout sur fond d'appel à l'équilibre dans les relations Nord/Sud.

Business Climate summit, à l'Unesco, à Paris. Photo d'illustration.
Antonin Amado / Novethic

"Le climatofatalisme est de plus en plus injustifié. Le climatovolontarisme est de plus en plus indispensable". C'est par ces mots que Laurent Fabius a clos le Business and Climate summit organisé ces 20 et 21 mai à Paris. Pour le ministre des Affaires étrangères, ce sommet, le premier du genre, constitue un "momentum", un tournant. Le chef de la diplomatie française s'est montré "raisonnablement optimiste" sur l'obtention d'un accord à l'issue de la COP21.

Mais pour y parvenir, il compte fermement sur les entreprises, les appelant à "créer un réflexe climat dans les décisions d'investissement". Il souhaite également qu'elles rendent publiques leur contribution à la lutte contre le changement climatique, et qu'elles rejoignent des structures de coordination agissant contre le réchauffement global.

Laurent Fabius a malicieusement formulé ses attentes, rappelant à son audience réunie au siège de l'UNESCO que les demandes du secteur privé à l'égard de la puissance publique ont été nombreuses au cours de ce sommet.

 

Le grand flou sur le prix du carbone

 

Tous les PDG présents, qu'ils soient indiens, chinois ou français, ont réclamé l'émergence d'une tarification du carbone. Pour Jean-Pierre Clamadieu, le patron de Solvay, l'existence d'un tel prix constituerait un élément important "dans la prise de décision des entreprises" pour opérer une transition vers une économie bas carbone. "Nous avons besoin d'un accord ambitieux sur ce sujet", abonde Peter Bakker, le président du World Business Climate Council for sustainable development.

Si le principe d'un prix du carbone fait l'unanimité, c'est beaucoup moins le cas des conditions de sa mise en œuvre. Les dissensions ont été fortes sur la question, notamment entre les industriels du charbon et ceux opérant dans les énergies renouvelables, lors d'une table ronde sur la question. Les détails de sa mise en œuvre, par le biais d'une taxe ou d'un système d'échange de quotas notamment, mais aussi le montant le plus efficace et le plus juste, font encore largement débat.

 

La lutte contre le changement climatique, une opportunité pour les entreprises

 

Pour Pierre-André de Chalendar, PDG de Saint-Gobain, la nécessité de lutter contre le changement climatique n'est pas qu'une malédiction. C'est également "une opportunité de croissance". Jean-Pascal Tricoire, le patron de Schneider Electric, y voit même un facteur d'innovation.

De fait, les entreprises estiment que les objectifs scientifiques d'un pic d'émissions aux alentours de 2020 et une cible de zéro émissions nettes bien avant la fin du siècle "sont atteignables et compatibles avec une croissance économique continue et un développement humain, si tous les acteurs s'allient dans cette bataille climatique urgente et de long terme". C'est en tout cas ce qu'indique le communiqué de presse officiel publié à l'issue du sommet.

Pour cela, les coalitions signataires appellent les dirigeants politiques à prendre plus de mesures nationales et internationales sur le climat, parmi lesquelles, outre une tarification du carbone, l'élimination des subventions aux énergies fossiles, la mise en place d'une alliance entre le secteur privé et les gouvernements pour intégrer des politiques climatiques dans l'économie, ou encore la création d'un fonds public surpassant les 100 milliards de dollars promis à Copenhague, destiné à faire levier sur la finance privée et à réduire le risque des investissements envers les actifs bas carbone, spécialement dans les pays développés.

Cette déclaration de bonne intention a été signée par 25 coalitions d'entreprises et d'investisseurs, représentant plus de 6 millions d'entreprises, de 130 pays (dont le Consumer goods forum, le Pacte mondial des Nations Unies, la Chambre de commerce internationale, l'IIGCC - groupe des investisseurs institutionnels sur le changement climatique -, le conseil mondial économique sur le développement durable (Wbcsd), We mean business, mais aussi BSR, le Shift Project, l'Afep, le Medef, le CDP, etc). Les négociations se sont poursuivies jusqu'au dernier moment pour trouver un consensus sur les termes à adopter.

Une autre déclaration intitulée cette fois "Les propositions du secteur privé en vue d'un accord international sur le changement climatique à Paris" appelle, là encore, à un accord ambitieux ainsi qu'à la fixation d'un prix du carbone, à un cadre incitatif au développement des solutions bas carbone, et à un dialogue public-privé (mis officiellement en place cette semaine à l'initiative du gouvernement français, et intitulé Business dialogue). Mais cette initiative, endossée par 59 entreprises (Areva, Bouygues, Engie, Kering, Lafarge, Michelin, Nestlé ou Kingfisher) et 7 organisations (Afep, Medef, le cercle de l'industrie, wbcsd...), reste essentiellement française et ne semble pas avoir été adoubée par l'ensemble des partenaires du Business summit.

Sans doute un avant-goût des tractations tout aussi intenses qui devraient se dérouler du côté des États lors de la COP de décembre...

 

Équilibre nord-sud, condition sine qua non d'un accord

 

Autre fait marquant de ce sommet, le discours des représentants des pays émergents. Concrètement, si les entreprises de Chine ou de l'Inde sont visiblement prêtes à s'engager, des signaux forts des économies développées sont attendues. En particulier le fait d'abonder le fonds vert des Nations Unies à hauteur de 100 milliards d'euros par an à partir de 2020.

Mahendra Singhi, le PDG indien du cimentier Dalmia, s'est quant à lui déclaré heureusement surpris de recevoir une invitation pour ce Business and Climate Summit : il y voit le signe que "les économies émergentes sont aussi importantes que les économies développées pour lutter contre le réchauffement climatique". Une phrase prononcée avec le sourire, qui traduit bien la méfiance de ces acteurs avant la COP 21. Car "nous connaissons bien les mécanismes onusiens destinés à lutter contre le réchauffement climatique. Ils n'ont jusqu'à présent pas profité à l'Afrique", a tenu à souligner Hakima El Haité, la ministre marocaine de l'Environnement, comme une mise en garde aux pays du Nord.

Un sommet similaire devrait avoir lieu l'an prochain. Si le lieu reste à déterminer, il s'agira pour les acteurs économiques de faire le point sur la mise en œuvre de leurs engagements.

Antonin Amado et Béatrice Héraud, avec Concepcion Alvarez
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