Publié le 01 juin 2015

ENVIRONNEMENT

Climat : qu’attendre de la nouvelle session de négociations de Bonn ?

Du 1er au 11 juin, les négociateurs climatiques se réunissent une nouvelle fois à Bonn, en Allemagne, pour tenter d’avancer sur l’accord international sur le climat attendu à Paris, lors de la COP 21 qui aura lieu en décembre. Plusieurs points de crispation restent à lever sur le partage des efforts, le financement ou la structure même de l’accord.

Bonn, les représentants de 196 parties vont tenter de faire progresser les négocaitions climatiques en vue d'un accord à Paris à la fin de l'année.
Mathias Balk / DPA / AFP

C’est une nouvelle session de négociations qui commence aujourd’hui à Bonn. C'est la deuxième d’une série de quatre, qui jalonnent 2015 et dont le but est de préparer l’accord international sur le climat attendu lors de la COP 21 de décembre. La première avait eu lieu à Genève en février. Il en était ressorti un texte de 86 pages, rempli d’options en crochets, symptôme des divergences entre États, qu’il va donc falloir considérablement réduire.

Entre les deux sessions officielles, d’autres négociations ont eu lieu, dans le cadre de forums plus restreints et informels. D’abord à Washington en avril, pour le Forum des Economies Majeures, soit une réunion des pays comptant pour environ 80% des émissions de gaz à effet de serre, et initiée il y a quelques années par les États-Unis.

Puis à Paris, en mai, pour une "consultation informelle", une initiative conjointe de la France et du Pérou, les deux pays qui président les négociations en 2015, entre les COP 20 et 21, pour faire avancer les négociations par le biais de réunions entre petits groupes de pays (49 en mai). Et enfin à Berlin, lors du dialogue de Petersberg, cette initiative lancée au lendemain de la Conférence de Copenhague par la Chancelière allemande Angela Merkel. Ces réunions ont permis d’établir les points de convergence et de divergence entre États.

 

Négocier pour réduire les divergences

 

"Jusque là, nous étions dans la phase où l’on présentait les options possibles. Désormais, nous entrons dans la phase où les difficultés se révèlent et où l’on négocie vraiment", souligne Laurence Toubiana. L’infatigable ambassadrice de la France chargée des négociations sur le changement climatique sillonne la planète depuis des mois pour entendre les positions des différentes parties et les rallier à la cause climatique.

Les points de divergences sont encore nombreux. Ils seront au centre des négociations de Bonn :

 

  • La question de la "différenciation" entre les pays développés et pays en développement. Les pays n’ont pas la même responsabilité dans l’accumulation des émissions de gaz à effet au niveau mondial. La question est donc de savoir en quoi les engagements de réduction, leur suivi ou leur financement doit être adapté en fonction des "circonstances nationales".
  • L’inscription de cet accord ou non dans le long terme. Pour l’instant le texte se réfère au scénario des 2°C, mais des pays militent pour un objectif de réduction des émissions mondiales précis à 2050, ou des émissions nettes nulles à la fin du siècle, ou pour un pic des émissions mondiales le plus tôt possible, ou encore une neutralité carbone. Par ailleurs, les contributions (INDC) des États se concentrent sur le court et moyen terme, avec des objectifs d’émissions établis pour les horizons 2025 ou 2030.
  • La question du financement des mesures d’atténuation et d’adaptation, notamment entre les pays du Nord et du Sud.
  • La forme juridique de l’accord. Dans un entretien à l’agence de presse Reuters, le ministre des Affaires étrangères français et futur président de la COP 21, Laurent Fabius, a appelé les juristes à "être créatifs" sachant qu'"Il faut trouver une formule juridique qui assure le caractère effectif de l'accord, et en même temps permette aux uns et aux autres de l'accepter." Les parties s’opposent aussi sur ce que doit contenir l’accord : seulement les principes, ou également certaines, voire toutes les mesures de mises en œuvre ?
  • La dynamique de l’accord : un système de "revue" ou de suivi des contributions des États pourrait être instauré, mais à quel rythme et de quelle façon ?
  • La place de l’adaptation. Jusqu’alors, cette partie était assez vite évacuée des négociations. "Aujourd’hui plus personne ne conteste son importance", assure Laurence Tubiana.
  • La question des actions entre 2015 et 2020. Elles ne concernent pas vraiment l’accord en lui-même, puisque celui-ci est censé prendre effet en 2020. Mais l’un des enjeux est bien de savoir quelles sont les mesures qui peuvent être mises en place en attendant.

 

Ne pas négliger les engagements volontaires des États

 

Les associations environnementales, à l’instar de WWF, insistent aussi sur la place qui sera accordée à l’Agenda des Solutions, cet "appendice" qui regroupe en marge du texte officiel les engagements volontaires des collectivités, de la société civile mais aussi des investisseurs et des entreprises. "Il ne faut pas que ce soit une manière pour les États de se décharger sur les acteurs économiques. Les engagements du privé ne sont pas substituables à ceux des États", souligne Pierre Canet, responsable du programme Climat – Energie au WWF France. "Or, on a l’impression que les deux parties se renvoient la balle. Lors du Business & Climate Summit, nous avons par exemple vu les entreprises appeler les États à l’action, et les États enjoindre les entreprises à prendre des engagements."

Juin est un mois crucial dans le chemin vers l’accord. Outre les négociations de Bonn, le G7 qui se déroulera en Bavière les 7 et 8 juin devrait également faire une place au financement de la lutte contre le changement climatique. Et les engagements de réductions de gros États comme la Chine sont attendus pour la fin du mois.

Béatrice Héraud
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