Publié le 16 juin 2015
ENVIRONNEMENT
Climat : les entreprises européennes veulent peser sur les négociations
Les unes après les autres, les associations d’entreprises publient leurs attentes en matière climatiques, en amont de la COP 21. Les plus engagées l’ont fait lors de la Climate Week, fin mai. Business Europe, le Medef européen, n’y fait pas exception. Déjà signataire d’une déclaration faite avec l’Afep et le Medef lors du Climate & Business summit, l’organisation patronale, qui représente 40 fédérations européennes patronales et industrielles de 34 pays, vient de publier ses 10 priorités pour un accord à Paris.

BH
Dans un document résumant sa position sur l’accord onusien sur le climat, et qui pourrait être adopté à Paris à la fin de l’année, Business Europe appelle à un accord "juridiquement contraignant, pour tous". Le Medef européen propose aussi d’institutionnaliser les engagements des entreprises au sein de la Convention onusienne sur le climat.
Un accord qui s’applique à tous, pour ne pas entraver la compétitivité des entreprises européennes
Dans ses priorités pour la COP 21, Business Europe plaide pour que l’accord fixe une vision de long terme pour l’action contre le changement climatique. Mais surtout, pour qu’il soit légalement contraignant pour tous à partir de 2020. Car l’industrie européenne y a tout intérêt, explique la fédération : "Pour sauvegarder la compétition internationale et assurer une protection effective des entreprises européennes contre les fuites de carbone, il est vital que les concurrents extra-européens opèrent sous des règles climatiques comparables".
Dans ses priorités, Business Europe insiste donc sur le fait que les efforts de réduction d’émissions doivent aussi venir des économies émergentes. Elle réclame également que les mesures de reporting, de suivi, et de vérifications (MRV) soient appliquées de façon équivalentes à toutes les parties et que les droits de propriétés intellectuelles soient renforcés, notamment dans le secteur des technologies vertes. La fédération patronale demande enfin l’harmonisation des marchés carbone à terme.
Business Europe insiste également sur un point : l’institutionnalisation de la participation des entreprises dans les négociations onusiennes. Car pour la fédération, les politiques ne jouent manifestement pas assez leur rôle : "Un leadership politique fort est nécessaire. Jouer avec des virgules, les crochets et les notes de bas de pages à Bonn n’envoie pas un très bon signal aux entreprises. Nous appelons les négociateurs à accélérer le processus visant à tirer le meilleur parti de Paris pour la sécurité de l’investissement privé", écrit Business Europe dans son communiqué.
Dans ce cadre, "L’expertise du monde des affaires est essentielle pour obtenir des résultats", estime la fédération. Un "canal pour la participation du monde des affaires au sein de la Convention cadre des Nations Unies sur le Changement climatique améliorerait la communication, le partage d’informations et le dialogue", écrit-elle dans son document de position où elle détaille la manière dont cela pourrait s’organiser.
Vers un rôle plus officiel des entreprises dans les négociations climat ?
Les entreprises participent déjà aux négociations climatiques avec le statut d’observateurs au sein du groupe "BINGO" (Business and Industry Non Governmental Organizations). On y trouve pêle-mêle des pétroliers, des associations de professionnels des énergies renouvelables et la Chambre internationale de Commerce (ICC) qui fait office de chef de file.
Mais leur importance est grandissante. Lors de la COP 19, à Varsovie en 2013, les organisations syndicales affiliées à la CSI (Confédération syndicale internationale) et six organisations non gouvernementales de développement et environnementales (Greenpeace, Oxfam, WWF, les Amis de la Terre, Action Aid et Christian Aid) avaient quitté l’enceinte des négociations pour dénoncer la mainmise des entreprises sur la Conférence. Et ce mois-ci, les associations du Climate action network ont demandé à la CCNUCC (Convention cadre des Nations Unies sur le Changement climatique) l'exclusion des pétroliers de l'enceinte des négociations de Bonn…
Autant dire que l’institutionnalisation des relations demandée par Business Europe ne va pas faire l’unanimité. D’autant que les entreprises sont particulièrement choyées dans la préparation de la COP 21. Outre le mécénat des entreprises pour financer l’organisation de la conférence de Paris, le gouvernement français a institué un "business dialogue", soit une série de réunions non officiellement inscrites dans le processus de négociations mais destinée à ce qu’entreprises et gouvernements "se comprennent mieux sur ce que nous attendons les uns des autres", selon Laurent Fabius qui présidera la COP 21.
Et les entreprises qui prennent des engagements sur le climat sont également mises en valeur dans l’agenda des solutions, qui recense les bonnes pratiques des acteurs non étatiques et donc non négociateurs de l’accord (collectivités locales, investisseurs, entreprises, société civile).
Or, si cet agenda des solutions peut être intéressant, il "ne doit pas servir aux États à se décharger de leurs responsabilités climatiques" sur les acteurs économiques et ne doit pas non plus "conduire à institutionnaliser le dialogue" entre ces deux parties, estime Pierre Canet, responsable Climat-Energie au WWF France. D’autant que selon Corporate Europe Observatory, qui veille sur les questions de lobbying européen, les fédérations d’entreprises, au titre desquelles Business Europe, ont parfois un double discours sur les questions climatiques…