Publié le 26 octobre 2016
ENVIRONNEMENT
Climat : les entreprises françaises doivent aller plus loin
Si la quasi-totalité du CAC40 joue le jeu de la transparence en divulguant ses émissions de CO2 au CDP (ex-Carbon Disclosure Project), les entreprises françaises manquent toutefois de vision à long terme sur le climat. Résultat, elles ne sont pas en en ligne avec l’Accord de Paris. Un constat que l’on peut également dresser au niveau mondial au regard des derniers rapports du CDP, publiés hier.

Jean-christophe Verhaegen / AFP
C’est désormais une habitude pour les grandes entreprises. Chaque année, près de 2 000 d’entre elles sont sollicitées par le CDP, une association qui travaille avec 827 investisseurs représentant 100 000 milliards de dollars. Elles répondent à un questionnaire portant sur leurs émissions de gaz à effet de serre et la stratégie mise en place pour les réduire.
Cette année, à l’échelle mondiale, ce sont 1089 entreprises, représentant 12% des émissions mondiales de CO2, qui ont répondu au CDP. Au niveau français, la quasi-totalité des entreprises du CAC 40 (93%) a joué le jeu, selon le rapport du CDP France Benelux (1) publié hier.
Mais des entreprises comme LVMH en France ou, ailleurs dans le monde, comme Facebook, Amazon,Yahoo...manquent à l’appel (700 ont refusé de répondre cette année). Un groupe de récalcitrants dont le CDP assure qu’il regardera l’évolution, rappelant qu’avec "la future publication fin 2016 des recommandations du groupe de travail du Conseil de stabilité financière (FSB) sur la transparence climatique, la pression pour que les entreprises publient leurs informations sur l’impact du changement climatique devrait augmenter".
Le changement climatique désormais intégré dans la stratégie
Au-delà de la transparence, les entreprises répondantes intègrent en grande majorité (93% dans la région France Benelux et 85% dans le monde) le changement climatique dans leur stratégie. Et un tiers utilisent un prix interne du carbone. Là où ça coince, c’est que la majorité d’entre elles limitent leurs objectifs de réduction d’émissions à l’horizon 2020. Les plus performantes, elles, ont des objectifs pouvant aller jusqu’en 2050. Mais elles ne sont que 19% dans la région à le faire. C'est encore moins bien au niveau mondial: le rapport global du CDP montre que seules 14% des entreprises ont mis en place un objectif de réduction d’émissions pour 2030 ou au-delà.
Crédit : CDP
Des mesures insuffisantes au regard des enjeux
Résultat : les stratégies mises en place ne sont pas à la hauteur des objectifs fixés par l’Accord de Paris, soit une limitation de la hausse de la température globale nettement en dessous des 2°C. Au niveau mondial, les réductions pouvant être réalisées atteindraient 1 GtCO2e en 2030 par rapport à un scenario Business as usual BAU, soit un quart de ce que ces sociétés devraient atteindre pour être sur une trajectoire 2°C !
Au niveau régional, 53% des 115 entreprises de France et du Benelux ayant également répondu l’année dernière ont réussi à baisser leurs émissions entre 2015 et 2016, de 14% en moyenne, mais l’ensemble des émissions des entreprises n'a diminué que de 2%.Principale difficulté des entreprises : réduire le Scope 3 (émissions indirectes autres que liées aux consommations énergétiques), qui reste 4 fois supérieur aux Scopes 1 (émissions directes) et 2 (émissions indirectes liées aux consommations énergétiques) combinés. Seulement, sur le long terme, cette baisse est insuffisante. Même si les 39 sociétés de la région ayant mis en place des objectifs de réduction d’émissions en valeur absolue arrivaient à les atteindre, leurs émissions baisseraient seulement de 23% d’ici 2050. Cela ne représente que la moitié de l’effort qu’elles devraient consentir pour être en ligne avec l’objectif de l’accord de Paris.
Crédit: CDP
Pour le CDP, les entreprises doivent donc s’engager à se fixer des objectifs basés sur des données scientifiques grâce à des méthodologies type Science Based Targets (SBT) qui permettent aux entreprises de connaître le budget carbone nécessaire pour respecter l’Accord de Paris sur le climat. Or, si 19 entreprises de la zone France Benelux et 94 au niveau mondial ont intégré l’initiative, seules 25 sont aujourd’hui certifiées SBT (c’est-à-dire que leurs objectifs sont bien en ligne avec les 2°C). Aucune n’est française.
Les meilleurs élèves plus performants en bourse
Les efforts doivent être particulièrement importants pour certaines entreprises, notamment dans le secteur de l’énergie et de la cimenterie. Si on considère la zone France-Benelux, 6 entreprises seulement concentrent près de 80% des émissions totales : ArcelorMittal, EDF, Engie, LafargeHolcim, Shell et Total. Certaines de ces entreprises ont cependant compris l’effort qui leur était demandé, selon le CDP, qui classe ainsi EDF et Engie parmi les 21 meilleurs élèves de la zone (14 français contre 5 l’an dernier) qui sont classés dans sa liste A. mention spéciale à Schneider Electric, seule entreprise à y figurer 6 années de suite.
Au niveau mondial, ce sont près de 200 entreprises qui sont étiquetées Liste A.
Crédit: CDP
Ces entreprises leaders sur le climat ont une performance boursière supérieure à la moyenne des entreprises, comme le démontre la surperformance de 6% de l’indice boursier STOXX Global Climate Change Leaders sur les 4 dernières années, souligne le CDP.
(1) Le rapport qui concerne la zone France et Benelux couvre au total 81% de la capitalisation boursière régionale, soit 151 entreprises.