Publié le 25 octobre 2016
ENVIRONNEMENT
Climat : Hillary Clinton, des ambitions et des doutes
Alors que la campagne électorale s'achève aux États-Unis, les questions climatiques et énergétiques n'ont que très peu occupé les débats. La démocrate Hillary Clinton elle-même est en retrait sur ces thématiques, mettant peu en avant son programme de développement des énergies renouvelables, pourtant ambitieux.

Robyn Beck / AFP
Le troisième et dernier débat organisé mercredi 19 octobre entre les deux candidats à la présidentielle américaine a été à l'image du reste de la campagne : pas un mot sur le changement climatique et les questions énergétiques.
Le 8 novembre, c'est pourtant majoritairement pour Hillary Clinton que les défenseurs de l'environnement vont voter. Face au climato-sceptique Donald Trump, le choix est vite fait. Mais la candidate démocrate n'a pas levé tous les doutes sur la politique qu'elle mettra en œuvre si elle accède à la Maison-Blanche.
Un tiers d'électricité renouvelable en 2027
Sur le papier, le projet d’Hillary Clinton est pourtant ambitieux en matière de climat. Sur son site de campagne, les objectifs sont clairs : "Prendre à bras le corps la menace du changement climatique et faire de l'Amérique la plus grande superpuissance en matière d'énergies renouvelables". Et les jalons sont posés : la candidate entend réduire de 80% les émissions de gaz à effet de serre du pays d’ici 2050 par rapport à 2005.
Elle promet aussi qu'un tiers de la production d'électricité sera renouvelable d’ici 2027. Le président sortant Barack Obama avait fixé ce même cap mais à l'horizon 2030. Pour atteindre de tels objectifs, Hillary Clinton propose de débloquer 60 milliards de dollars pour les collectivités locales qui feront des investissements en matière de transports ou de rénovation énergétique des bâtiments. Elle promet aussi d’investir 30 milliards pour réorienter l'économie vers des activités plus durables dans des régions jusqu'alors très dépendantes du charbon.
L'incertitude plane
Ces chiffres sont-ils réalistes ? "Les objectifs énoncés par la candidate Hillary Clinton sont très ambitieux", se réjouit Robert Stavins, qui chapeaute le programme "Économie environnementale" à l'université de Harvard. Mais il prévient : leur succès dépendra "de la croissance de l'économie américaine, des prix du gaz naturel, des coûts des énergies renouvelables, etc. Tout cela crée de l'incertitude".
Pour réduire cette incertitude, une seule mesure pourrait être efficace, selon ce spécialiste : la mise en place d'une tarification du carbone au niveau des États-Unis. C’était l’une des propositions clés de Bernie Sanders, le challenger d’Hillary Clinton lors de la primaire démocrate. Seulement, elle n’a pas été reprise dans le programme de la candidate, qui craignait la fronde des Républicains pendant la campagne mais aussi au Congrès, où ils pourraient bien conserver une majorité après le scrutin du 8 novembre…
Zone de flou sur Keystone XL et la fracturation hydraulique
Autre motif d'inquiétude : les positions prises dans le passé par Hillary Clinton sur des dossiers environnementaux particulièrement sensibles. C'est le cas par exemple sur Keystone XL. L'ex-secrétaire d'État a attendu des mois avant de s'opposer formellement, sous la pression des groupes écologistes, à ce projet de pipeline géant qui aurait dû traverser les États-Unis.
Hillary Clinton a entretenu le même flou autour de la fracturation hydraulique, utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. "Je veux défendre la fracturation hydraulique. Les écolos devraient aller voir ailleurs si j'y suis", aurait-elle même écrit à l'un de ses conseillers dans un email révélé par Wikileaks. Elle a fini par indiquer qu'elle n'y était pas opposée par principe, mais qu'elle posait des conditions : pas d'opposition des populations locales, pas de pollution de l'eau, transparence sur les produits chimiques utilisés.
L'argent du lobby du pétrole et du gaz
La dernière ambiguïté entretenue par Hillary Clinton concerne le financement de sa campagne. Comme son challenger démocrate Bernie Sanders ou l'écologiste Jill Stein, la candidate aurait pu s'engager à refuser l'argent du puissant lobby des énergies fossiles. Elle ne l'a pas fait. Au final, selon le décompte réalisé par le Center for responsive politics, elle a touché officiellement 635 761 dollars. Soit plus que le républicain Donald Trump !
Pour gagner, la candidate démocrate sait pourtant qu'elle ne pourra pas se passer des électeurs sensibles aux questions environnementales. C'est le cas en particulier des 18-35 ans, ceux que les Américains ont surnommé les "Millenials". Or, cette génération, qui est en passe de peser aussi lourd sur le plan démographique que ses aînés "baby-boomers" aux États-Unis, s’était massivement portée sur la candidature plus "verte" du sénateur Bernie Sanders lors de la primaire et peine à reporter son vote sur Hillary Clinton.
"Hillary Clinton n'est pas la candidate parfaite, résume May Boeve, l'une des porte-voix de l'ONG 350.org. Mais je crois que notre mobilisation pourra la faire pencher vers plus d'action contre le changement climatique et pour la justice sociale. Ce n'est pas le choix du cœur, c'est le choix de la raison. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre quatre années dans cette bataille."
Signe de cette mobilisation "de raison" en faveur du vote Clinton, les lobbys pro-environnement américains, tels que le Sierra Club ou la League of conservation voters, ont dépensé cette année plus de 100 millions de dollars pour soutenir le camp démocrate. Un record.