Publié le 20 janvier 2020
ENVIRONNEMENT
Choc des cultures au Forum de Davos 2020 entre Greta Thunberg et Donald Trump
Greta Thunberg et Donald Trump sont les deux invités stars du Forum de Davos qui réunit en Suisse, à partir du 21 janvier, les principaux décideurs économiques et politiques mondiaux. Un programme paradoxal tant les visions de cette jeune fille de 17 ans appelant à une transformation radicale au nom du climat, et de cet homme de 73 ans niant l’existence du changement climatique pour défendre les énergies fossiles, sont irréconciliables.

@WhiteHouse @WEF
Si le rapport sur les risques publiés chaque année par le Forum de Davos place en tête des menaces celle d’échouer à lutter contre le réchauffement climatique, organisateurs et participants semblent continuer à hésiter entre deux mondes. Ils se contentent de les mettre en présence. Les deux stars de l’édition 2020 monteront à la tribune dès le premier jour de ce sommet organisé dans la station suisse de Davos du 21 au 24 janvier. La jeune suédoise Greta Thunberg interviendra dans deux tables rondes l’une sur le thème "bâtir un chemin durable vers un futur commun", l’autre sur "Eviter une apocalypse climatique". Entre les deux interventions, Donald Trump montera seul à la tribune pour une intervention d’une demi-heure.
C’est la première fois qu’ils se croiseront à Davos après un bref échange de regard au Sommet organisé en septembre 2019 par les Nations Unies en New-York. Au-delà de leur différence d’âge (56 ans), de rôles (l’un est Président des Etats-Unis, l’autre est devenue porte-parole de la jeunesse mondiale) et de poids sur l’économie mondiale, Greta Thunberg et Donald Trump symbolisent tous deux des mondes irréconciliables entre lesquels les dirigeants économiques réunis à Davos vont devoir choisir.
Une honte selon Greta Thunberg
Greta Thunberg vient à Davos pour rappeler à ceux qui ont les moyens de le faire, l’urgence d’agir. Elle a commencé à le faire ans une tribune parue la semaine dernière dans The Guardian. "Nous venons d'entrer dans une nouvelle décennie, une décennie où chaque mois et chaque jour seront absolument cruciaux pour décider de ce que sera l'avenir", écrit-elle avant de demander l’arrêt immédiat de toutes les énergies fossiles. "Pour certains, il peut sembler que nous demandons beaucoup. Mais ce n'est que le minimum d'effort nécessaire pour amorcer une transition rapide et durable. Le fait que cela n'ait pas encore été fait - en 2020 - est, très franchement, une honte". Elle ajoute : "Tout ce qui n’irait pas dans le sens d’un arrêt immédiat de ces investissements dans l'industrie des combustibles fossiles serait une trahison envers la vie elle-même".
Même si Donald Trump est imprévisible, il vient vraisemblablement défendre à Davos le monde économique tel qu’il le dépeint à ses futurs électeurs dans sa tournée de meetings actuels. Un monde où le réchauffement climatique est une rumeur lancée par les ennemis chinois, les énergies fossiles tournent à plein régime et les lave-vaisselles surpuissants consomment un maximum d’eau. C’est la promesse qu’il faisait dans un meeting mardi 14 janvier en dénonçant les normes d’économie d’eau décidées par son prédécesseur. Pour lui, l’urgence ne sera pas climatique mais géopolitique en mettant en avant la crise en Iran, accentuée encore par l’annulation de la venue du ministre des affaires étrangères de la République islamique.
Tourner la page de Milton Friedman
Si les 2 800 participants du Forum Economique Mondial sont sans doute partagés entre ces deux mondes, le grand organisateur du sommet, Klaus Schwab, semble avoir choisi le sien. Il a placé l’édition 2020 sur le thème "Des parties prenantes pour un monde cohérent et durable". Dans une interview au Financial Times, il explique : "Le monde est en état d’urgence et la fenêtre pour agir est en train de se refermer (…) Nous ne voulons pas faire face à une désintégration politique et économique continue, nous ne voulons pas atteindre le moment où le changement climatique sera irréversible". Il ajoute : "Mon rêve pour Davos est d’amener les gros investisseurs à ne financer que des investissements qui ne nuisent pas à l'environnement".
Il prône enfin une nouvelle théorie de l’entreprise qui remplacerait celle de Milton Friedmann où l’actionnaire est roi. Ce nouveau mode de pensée donnerait aux entreprises un rôle de "citoyenneté mondiale qui ferait d’elle l'actionnaire de notre avenir mondial", quand elle lutte contre le changement climatique ou travaille à préserver les océans.
Ludovic Dupin @LudovicDupin et Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic