Publié le 22 mars 2016
ENVIRONNEMENT
Chine : Mesures environnementales ou relance de l’économie, faut-il choisir ?
Même si le ralentissement de l’économie concentre l’attention des autorités chinoises, le 13ème plan quinquennal ne déçoit pas les experts environnementaux. La relance de l’économie pourrait cependant repousser la baisse des émissions de CO2 chinoises. C’est ce qui ressort de la tenue annuelle de l’Assemblée nationale du peuple, une instance totalement soumise au Parti communiste chinois. Explications.

Li Xiang - Xinhua
Croissance ou environnement ? En annonçant des mesures de relance qui comprennent 800 milliards de yuans (109 milliards d’euros) pour la construction de voies ferrées ou encore 1 650 milliards de yuans (226 milliards d’euros) dans la construction de routes pour la seule année 2016, la Chine semble avoir choisi la première option.
L’urgence d’un ralentissement plus fort que prévu et la menace d’un atterrissage brutal de l’économie chinoise ont poussé les autorités à revenir aux méthodes qui ont fait leurs preuves pour doper la croissance. Pourtant, le plan quinquennal approuvé mercredi 16 mars par les députés de l’Assemblée nationale du peuple ne tire pas un trait sur les progrès environnementaux de ces dernières années. La croissance chinoise et les émissions de CO2 pourraient enfin ne plus aller de paire dans les cinq prochaines années. Déjà, en 2015, les émissions chinoises de CO2 auraient baissé de 1,5%, malgré une croissance de 6,9% du produit intérieur brut (PIB).
Parmi les treize objectifs contraignants de ce 13ème plan quinquennal, dix concernent l’environnement, notamment la baisse de 15% de l’intensité énergétique et de 18% pour l’intensité carbone du PIB. La part des énergies renouvelables devra atteindre 15% en 2020. Pour l’essentiel, ces objectifs avaient déjà été évoqués. Ils traduisent les engagements de la Chine pour la COP21. D’après les premières réactions d’experts, des économistes d’HSBC aux spécialistes de l’environnement de Greenpeace, la Chine s’est fixée des objectifs sérieux, qu’elle devrait dépasser, comme lors du dernier plan quinquennal.
Un contexte économique plus favorable
Malgré les investissements annoncés pour relancer la machine, pour Changhua Wu, directrice pour la Chine de l’organisation non gouvernementale The climate group, les temps ont changé. "Bien-sûr que la priorité de la Chine, comme des autres pays du monde, c’est la croissance et la prospérité de son peuple. Mais le contexte actuel de surcapacités industrielles ne permet plus de telles mesures. Je pense que les dirigeants chinois ont appris du passé", estime-t-elle.
Début janvier, Pékin avait en effet annoncé un moratoire sur l’ouverture de nouvelles mines de charbon pour trois ans, pour réduire les surcapacités endémiques dans le secteur. Le 13ème plan quinquennal est aussi le premier à intégrer des objectifs chiffrés de réduction d’émissions de polluants, comme les micro-particules "pm 2,5", qui viennent régulièrement obscurcir le ciel des grandes villes chinoises. Leur concentration dans l’air devra se réduire de 25% d’ici 2020.
Le Premier ministre espère une bonne qualité de l’air "80% du temps". "D’ici cinq ans nous devons assurer que la consommation d’eau, d’énergie, et les émissions de dioxide de carbone par point de PIB baissent respectivement de 23%, 15% et 18% et que le couvert forestier atteigne 23,04%", a listé Li Keqiang, le Premier ministre chinois.
La généralisation du marché carbone inscrite dans le plan
Le vocabulaire aussi change. Comme le note le site spécialisé sur l’environnement China dialogue, les leaders chinois parlent désormais de compenser les "faiblesses environnementales" du pays. Pour y parvenir, l’important est d’empêcher la pollution à la source, d’après un document du Ministère chinois de l’environnement : "Nous devons prendre des mesures pour contrôler et empêcher la pollution de l’air, des sols et de l’eau et renforcer la protection et la restauration de l’environnement."
Des sources de polluants détaillées dans le plan quinquennal : voitures trop anciennes, dont une partie devra quitter les routes chinoises dès la fin 2016, et usage du charbon dans l’industrie et le chauffage. Pour remplacer progressivement ce dernier, source d’énergie la plus émettrice de CO2, qui représente aujourd’hui 64% de l’énergie chinoise, la Chine mise sur les énergies renouvelables et le gaz naturel. Des objectifs en continuité avec le plan précédent.
L'un des dispositifs clés pour la réduction des émissions de CO2 chinoises a été annoncé en septembre dernier par le Président chinois Xi Jinping : un marché du carbone national pour 2017. "Durant la période du 13ème plan quinquennal, les marchés carbone expérimentaux devront être progressivement élargis à un marché national d’émissions de CO2", annonce le texte. Le projet est déjà en route : les gouvernements locaux ont remis fin février à la commission du plan leur liste d’entreprises et de secteurs qui pourraient être intégrés à un marché d’échange de droits à polluer.
Mais les défis restent de tailles pour Jeff Huang, consultant indépendant et membre du groupe de travail pour la Chine de l’association internationale des marchés d’émission. "Il faudra une bonne gouvernance, de la transparence et des instruments financiers simples", résume-t-il.
L’exemple de la gestion chaotique des bourses chinoises ne rassure pas. "Beaucoup de traders étrangers ont peur qu’il se passe la même chose sur les marchés carbone", explique-t-il. Pourtant, il ne doute pas de la volonté des autorités sur ce sujet, après l’engagement personnel du président l’année dernière.
Le pic des émissions chinoises déjà atteint ?
Une étude de la London School of Economics (LSE), publiée fin février, reconnait les efforts des autorités chinoises, bien aidées par le ralentissement de l’économie. D’après les chercheurs, la Chine pourrait avoir déjà atteint son pic d’émissions de CO2, que les autorités ont annoncé viser avant 2030. En 2014, pour la première fois, la consommation chinoise de charbon a légèrement baissé. Baisse confirmée en 2015, avec 3,7% de charbon brûlé en moins, alors que la consommation d’énergie chinoise est restée quasiment stable (+0,9%). "La Chine se trouve dans une phase de transition structurelle majeure, vers un nouveau modèle de développement fondé sur une croissance de meilleure qualité et plus durable", décrit la présentation de l’étude.
Le Premier ministre chinois Li Keqiang a souligné cette transition : depuis 2015, le secteur des services assure 50,5% du PIB chinois. Même si les chercheurs de LSE envisagent une légère augmentation des émissions chinoises en cas de rebond de l’économie, ils ne doutent pas que la courbe sera faible. Et que les émissions chinoises commenceront à baisser "à un moment avant 2025".