Publié le 09 décembre 2019
ENVIRONNEMENT
Catastrophes climatiques : 20 millions de personnes forcées de quitter leur foyer chaque année
Selon un nouveau rapport de l’ONG Oxfam, les catastrophes liées au changement climatique sont le premier facteur de déplacements internes dans le monde. Les événements extrêmes ont été multipliés par cinq sur la dernière décennie, forçant chaque année 20 millions de personnes à quitter leur foyer. Les pays insulaires et en développement sont les plus exposés.

@Flickr
Le risque de déplacement interne après une catastrophe naturelle (cyclone, inondation, incendie) est sept fois plus élevé qu’en cas de séisme et trois fois plus qu’en cas de conflit. C’est ce que révèle l’ONG Oxfam dans un nouveau rapport publié pendant la COP25. Ces déplacements touchent principalement les habitants des pays pauvres. Sept des dix pays les plus exposés sont de petits États insulaires en développement. Leurs populations ont 150 fois plus de risque d’être déplacées à cause de phénomènes météorologiques extrêmes que la population européenne.
À Cuba, sur l'île de la Dominique et dans l’archipel des Tuvalu, entre 2008 et 2018, près de 5 % de la population a ainsi dû fuir chaque année à cause de conditions climatiques extrêmes. Cela correspond à près de la moitié de la population de Madrid contrainte de se déplacer ailleurs en Espagne chaque année. Au total, sur la dernière décennie, ce sont 20 millions de personnes qui ont été obligées de quitter leur foyer en raison du changement climatique.
Les femmes particulièrement vulnérables
Environ 80 % de toutes les personnes déplacées au cours de la dernière décennie vivent en Asie, continent qui accueille plus d’un tiers des personnes en situation d’extrême pauvreté dans le monde. Les femmes sont particulièrement vulnérables. Dans de nombreuses régions du monde, elles n'apprennent pas à nager ou ne sont pas autorisées à quitter leur maison seules. La crise climatique rend également leurs tâches plus compliquées. En Somalie par exemple, des femmes ont indiqué à Oxfam que leur charge de travail avait doublé après la sécheresse, certaines devant parcourir jusqu'à 10 km pour trouver de l’eau et du bois de chauffage.
Lorsqu'ils sont contraints de quitter leur domicile, les femmes et les enfants sont également exposés aux violences et aux abus. Les enfants déplacés se voient en outre souvent refuser un accès à l’éducation, et les femmes ont plus de mal à reconstruire leur vie du fait des inégalités avec les hommes. Par exemple, à la suite du cyclone qui a frappé le Mozambique, les faibles taux de scolarisation et d’alphabétisation parmi les femmes déplacées les ont souvent privées d’informations sur leurs droits d'accès à la terre, note l’ONG.
Oxfam révèle également que les dommages décennaux imputables aux phénomènes météorologiques extrêmes ont dépassé pour la première fois la barre des 1 000 milliards de dollars dans les années 2010, soit cinq fois plus que dans les années 1970. En moyenne, les pertes économiques inhérentes à des phénomènes climatiques extrêmes au cours de la dernière décennie ont représenté 2 % du PIB des pays concernés. Ce chiffre est beaucoup plus élevé pour de nombreux pays en développement. Il atteint même les 20 % dans les petits États insulaires.
"L'injustice doit cesser"
"Jusqu’à maintenant les pays riches ont largement laissé des millions de femmes, d’hommes et d’enfants des pays pauvres assumer eux-mêmes les coûts croissants des catastrophes climatiques extrêmes. Cette injustice doit cesser", lance Armelle Le Comte, responsable du plaidoyer climat et énergie pour Oxfam France. "Les gouvernements doivent soutenir la mise en place d’un nouveau fonds relatif aux pertes et dommages afin d’aider les communautés pauvres à se reconstruire après des catastrophes climatiques."
À Madrid, où la COP25 se tient jusqu’au 13 décembre, l’ONU doit présenter ses conclusions sur les progrès effectués dans le cadre du mécanisme dédié aux pertes et dommages, le Mécanisme international de Varsovie. Les pays en développement plaident aussi pour la mise en place d’un nouveau fonds pour aider les communautés touchées à se relever et à se reconstruire après des catastrophes climatiques. Pour l'instant, les discussions patinent et les pistes de compromis semblent difficiles à trouver.
Cette question des déplacements climatiques a par ailleurs fait l'objet d'une enquête menée par la Banque européenne d'investissement. Il apparaît que les jeunes Français sont 45 % à estimer que le changement climatique les forcera à s'installer à l’étranger. 89 % estiment aussi que des personnes pourraient quitter leur pays de résidence pour fuir des conditions climatiques extrêmes, devenant ainsi des réfugiés climatiques.
Concepcion Alvarez @conce1