Publié le 15 mars 2018
ENVIRONNEMENT
Canicule en Arctique : l’Arche de Noé du monde végétal est de plus en plus menacée
L’arche biblique de Noé destinée à sauver les animaux est parvenue à survivre aux 40 jours du déluge. Celle fabriquée par l'humanité pour sauver les semences végétales du désastre écologique en cours pour les siècles à venir pourrait bien, quant à elle, ne pas tenir plus de quelques années.

@Svalbard Global Seed Vault
Un comble ! Le bunker du végétal, conçu pour résister à une chute d'avion ou à un missile, est train de se "fissurer" sous l’effet du réchauffement planétaire. Cette forteresse de la biodiversité a été bâtie en 2008 en plein cœur de l'Arctique dans une montagne de Longyearbyen, chef-lieu de l'archipel norvégien du Svalbard. Les concepteurs imaginaient que les glaces permanentes allaient constituer un havre éternel. Mais les températures "caniculaires" en Arctique aux alentours de 0°C, soit 25 à 30 °C au-dessus des normales saisonnières, font que le coffre-fort du vivant se retrouvent les fondations dans l’eau.
10 millions d’euros pour renforcer la construction
"Il y a eu des infiltrations d'eau dans le tunnel (d'accès), probablement liées au changement climatique", témoigne sur place Åsmund Asdal, l'un des coordinateurs de la réserve de semences. En réalité, c’est déjà depuis 2016, déjà, l’ancienne mine de charbon creusée dans le permafrost - des terres gelées de plus en plus malmenées - montre des signes de faiblesses.
En réaction, la Norvège vient d'annoncer le déblocage de 100 millions de couronnes (environ 10 millions d'euros) pour améliorer les conditions de conservation des précieuses graines. Un demi-million de variétés y sont entreprosées et aurait dues y être préservées des catastrophes naturelles, des guerres, du changement climatique, des maladies ou encore des pollutions humaines.
"On veut être sûrs que la chambre forte renfermant les semences reste froide toute l'année, même si les températures continuent à augmenter au Svalbard", explique le ministre norvégien de l'Agriculture, Jon Georg Dale. Les travaux visant à améliorer la forteresse ont déjà commencé. Ils lui permettront, assure Jon Georg Dale, de "faire face au climat des décennies à venir". Le tunnel d'accès va être renforcé et un cabanon érigé à proximité du site pour abriter le matériel technique nécessaire et éloigner toute source de chaleur susceptible de contribuer à une nouvelle fonte du pergélisol.
Un financement d’États et d’entreprises
Cette "arche" est gérée officiellement par le gouvernement norvégien et le Global Crop Diversity Trust. Les financements sont multiples. Plusieurs États comme les États-Unis, l’Australie ou encore la Suède y contribuent, mais aussi des donateurs privés parfois controversées comme Syngenta et DuPon Pioneeres, des géants des biotechnologies et des OGM...
L’utilité de l’arche a déjà démontré son utilité depuis le début du conflit en Syrie. Les chercheurs ont pu récupérer au Svalbard les doubles de graines disparues dans la destruction de la banque de gènes de la ville d'Alep.
Ludovic Dupin avec AFP