Publié le 21 août 2023
ENVIRONNEMENT
Canicule : difficultés médiatiques à associer chaleur extrême et risque vital pour la santé
Le retour de la canicule reste un évènement sur lequel les médias ont du mal à dépasser le traitement anecdotique. Les conseils de prudence restent limités et le reportage sur la quête de fraicheur la norme. En Angleterre, c’est même par le fou rire que la chaîne a abordé la menace. 20 ans après la canicule de 2003 en France première alerte sérieuse, les épisodes se multiplient, les risques se concrétisent mais la plupart des médias continuent à relativiser.

Capture d'écran GB News
La scène s’est déroulée le 6 juillet sur le plateau de GB News, troisième chaine britannique par l’audience. Alex de Koning, activiste pro climat du Mouvement "Just Stop Oil", tente d’expliquer aux deux présentateurs incrédules qu’on peut mourir de chaud si les températures sont trop élevées. Il explique qu’au-delà de 45°C avec un taux d’humidité de 50 % la sueur humaine ne remplit plus sa fonction et c’est comme si on bouillait de l’intérieur. Ces coups de chaud peuvent engager le pronostic vital de ceux qui en souffrent !
Les deux présentateurs ont des réactions différentes mais tout aussi consternantes. Elle est prise d’un fou rire qu’elle n’arrive plus à maitriser à l’idée qu’on puisse bouillir dans sa propre sueur et pense qu’il est impossible d’être exposé à ce risque en Grande Bretagne. Lui trouve cela tout simplement ridicule et condamne les interruptions d’évènements sportifs en expliquant que cela fait beaucoup de bruit pour rien.
La séquence a fait le tour des réseaux sociaux et ressort alors que la température remonte en France. La canicule, sans doute la plus intense de l’été lui-même considéré comme l’été le plus chaud enregistré, est une des manifestations cataclysmiques du changement climatique. Les évènements extrêmes n’ont pas cessé depuis plusieurs semaines, incendies dévastateurs au Canada, ou encore épisodes de chaleur particulièrement aigus en Iran.
Une litanie de catastrophes sans contexte
Les exemples ne manquent pas mais le traitement médiatique de ces évènements reliés par le changement climatique, reste celui d’une litanie de catastrophes. L’association Quota Climat qui milite pour améliorer le traitement médiatique des enjeux écologiques, a ainsi épinglé le 20 heures de France 2 qui évoquait la canicule à travers le succès des marchands de glace, le plaisir des shampoings à froid et la fréquentation des fontaines tout habillé. Elle rappelle que les vagues de chaleur de l’été 2021 ont tué 61 000 personnes en Europe dont 5 000 en France. L’association dénonce un mode d’information qui évoque la couverture médiatique de la canicule de 2003, passée sans transition au bout de dix jours d’enfants batifolant sous les jets d’eau aux couloirs saturés des hôpitaux après l’appel au secours lancé par l’urgentiste Patrick Pelloux.
Abandonner la couverture sensationnelle qui privilégie émotion et compassion au bénéfice d’explications sur les dommages et les solutions à mettre en place pour s’adapter au changement climatique est un préalable indispensable à une action efficace. C’est ce qu’essaient de faire les scientifiques en particulier sur les réseaux sociaux. Mais la transformation de Twitter en X les fait fuir en masse. Le climatologue Christophe Cassou, membre du GIEC, vient de geler son compte Twitter à cause du harcèlement des climatosceptiques dont il est la cible.
Il faudrait que l’ensemble des médias puissent prendre le relai car les canaux d’opinion et de fake news se multiplient. Ils donnent une nouvelle vigueur au climatoscepticisme ce qui est pour le moins paradoxal au moment où se matérialisent partout les impacts du changement climatique.
Anne-Catherine Husson-Traore, directrice des publications de Novethic