Publié le 14 juillet 2020
ENVIRONNEMENT
Avec les feux de forêts, la Sibérie brûle sous une chaleur extrême liée au changement climatique
La Sibérie suffoque. Alors que la région enregistre des records de chaleur, des centaines de feux de forêts se sont déclenchés, relâchant des tonnes de CO2 dans l'atmosphère. Or, la région, qui se réchauffe trois fois plus vite que la moyenne mondiale, abrite une partie du permafrost. Cette vieille couche de glace est une vraie bombe climatique et sanitaire, elle pourrait libérer, en fondant, des méga virus, du méthane ou encore du mercure...

@NASA
C’était un phénomène peu commun il y a encore quelques années, mais il tend désormais à se banaliser. D’importants incendies ont ainsi été observés depuis quelques semaines en Sibérie, gagnant peu à peu en intensité. Selon le Service aérien de protection des forêts, au 10 juillet, plus de 160 incendies ont ravagé 333 000 hectares de forêt, soit plus que la taille du Luxembourg.
Les incendies continuent de faire rage en Sibérie : le Service aérien de protection des forêts russe a indiqué aujourd'hui qu'il luttait contre 136 incendies sur 43.000 hectares, en ensemençant des nuages et en utilisant des explosifs #AFP pic.twitter.com/r93mDUNRsh
— Agence France-Presse (@afpfr) July 11, 2020
Ces incendies font suite à des températures anormalement élevées par endroits, ce qui, combiné à un faible taux d’humidité du sol, contribue à déclencher des feux, note le service européen Copernicus sur le changement climatique. Ainsi la petite ville de Verkhoïansk, située au-delà du cercle arctique, à 67° de latitude Nord, connue pour ses températures très basses, a enregistré le 20 juin un record de température avec 38 °C affiché au thermomètre. "Du jamais vu pour cette latitude", note La Chaîne Météo. Les experts rappellent ainsi qu’en 1882, dans cette zone, le mercure était tombé à -67,8 °C.
Les feux de forêts relâchent des tonnes de CO2
Selon les scientifiques du World Weather Attribution, cette épisode de chaleur, avec des températures de plus de 5°C en moyenne au-dessus de la normale, n'aurait "presque" aucune chance d'avoir lieu sans l'influence du changement climatique. "Ce qui est inquiétant cette année, c’est que depuis plusieurs mois, les records de chaleur sont battus dans la région. Comme l’an dernier, l’été devrait être catastrophique, avec des “super-incendies” importants. Tous les indicateurs sont au rouge", s’inquiète Serge Zaka, agroclimatologue à la société ITK à Montpellier, interrogé dans Yahoo Actualités.
D’autant qu’en brûlant, les forêts dégagent du CO2 et aggrave le réchauffement climatique. Ainsi, depuis mi-juin, le nombre et l'intensité des incendies ont augmenté dans l'extrême Nord-Est de la Sibérie et, dans une moindre mesure, en Alaska provoquant l'émission de 59 mégatonnes de CO2 dans l'atmosphère, un record pour ce mois depuis le début des mesures en 2003.
La crainte d'une accélération de la fonte du permafrost
Avec ces températures records et des super-incendies (des fumées qui recouvrent la glace absorbant ainsi davantage les rayons du soleil), la région se réchauffe trois plus vite que la moyenne mondiale. Or, ce phénomène accélère la fonte du permafrost, cette couche de glace vieille de plusieurs années qui recouvre un quart des terres émergées de l’hémisphère Nord. Plusieurs accidents ont déjà eu lieu. Le dernier date de la fin du mois de mai. Un réservoir d’une centrale thermique construite sur le permafrost dans l’Arctique russe s’est effondré à la suite de la fonte de la face et a déversé 20 000 tonnes d’hydrocarbures dans la rivière de l’Ambarnaïa. Une catastrophe écologique qui a poussé Vladimir Poutine à déclencher l’urgence nationale.
Celle-ci n'est peut-être qu'un prémice à une longue série. Le permafrost est une bombe climatique et sanitaire. Il renferme deux fois plus de carbone que l’atmosphère terrestre, contient des stocks de mercure très important et des phénomènes de bulles de méthanes sont même apparus dans le permafrost sibérien. En plus d’aggraver le réchauffement climatique, la fonte du permafrost pourrait aussi libérer des méga-virus enfermés depuis des dizaines de milliers d’années.
Marina Fabre, @fabre_marina avec AFP