Publié le 07 mai 2018
ENVIRONNEMENT
Un an d'Emmanuel Macron au pouvoir : un héraut mondial du climat, mais des décisions attendues au niveau national
Ce lundi 7 mai, cela fait exactement un an qu'Emmanuel Macron a été élu Président de la République. De tous les candidats à l’élection présidentielle, il était l'un des moins engagés sur l’environnement. Pourtant, le retrait des États-Unis en juin dernier l'a propulsé sur le devant de la scène internationale comme le champion de la lutte contre le changement climatique et de la promotion de la finance durable. En même temps, sur le plan national, le bilan est plus mitigé.

@Présidence de la République
1/ Leadership climatique
La sortie des États-Unis de l'Accord de Paris a très vite donné au nouveau président de la République une fenêtre de tir idéale pour se positionner comme le gardien du texte adopté en 2015 à Paris. Quelques heures après l’annonce de Donald Trump, Emmanuel Macron est apparu sur toutes les télés du monde pour dénoncer le choix américain. Il lance un provocateur "Make Our Planet Great Again", détournant le slogan du Président américain "Make America Great Again". Il promet d'accueillir en France tous les chercheurs, en particulier ceux issus des États-Unis, qui veulent travailler sur le changement climatique.
Depuis, Emmanuel Macron n'aura eu de cesse de placer le climat à son agenda diplomatique afin de limiter les dégâts collatéraux causés par le désengagement américain. En décembre 2017, à l'occasion des deux ans de l'adoption de l'Accord de Paris, il organise à Paris le One Planet Summit, le sommet sur la Finance climat. Une centaine de dirigeants mondiaux s'y rendront et Donald Trump n'y sera pas convié (même si l'administration américaine a été associée).
En mars, il est le seul dirigeant européen à faire le déplacement auprès de la commission européenne qui présentait son plan d’action sur la finance durable. "Face à l’urgence climatique, il faut changer notre modèle et mettre de la cohérence entre les diverses politiques de l’Union, à commencer par le budget et la politique commerciale", affirme-t-il. Il propose de consacrer "40 % du budget européen au financement de la transition vers un modèle bas carbone et inclusif, mais aussi d’éviter que les 60 % restants lui nuisent".
2/ L'arrêt de Notre-Dame-des-Landes
Au plan national, il y avait une décision qui était particulièrement attendue. L'arrêt de Notre-Dame-des-Landes, un projet initié et débattu depuis 50 ans. Après six mois de médiation et une ultime consultation, l'exécutif a finalement choisi d'abandonner le projet controversé d'aéroport, malgré des décisions de justice et un référendum local favorables. Cela mettra fin au conflit environnemental et territorial le plus emblématique du pays. C'était surtout un gage donné au ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot. "Si cette ligne rouge avait été franchie, il aurait été impossible de garder Hulot", précise Pascal Canfin, le directeur du WWF France.
3/ Nicolas Hulot, la caution environnementale ?
Autre choix habile d'Emmanuel Macron, justement : celui de Nicolas Hulot à l'hôtel de Roquelaure. Alors qu'il avait dit non à Jacques Chirac, à Nicolas Sarkozy, et à François Hollande, l'ancien animateur d'Ushuaïa a, pour la première fois, accepté un poste au gouvernement. "Le risque, c'est que Nicolas Hulot soit un trophée", avait alors réagi Cécile Duflot, ancienne ministre du logement et candidate à la primaire d'EELV.
En quelques semaines, le nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire publie un plan climat avec des mesures audacieuses: la fin de la vente des voitures essence et diesel en 2040, la fin des énergies fossiles, mais aussi la promotion de la finance verte, un plan rénovation énergétique, une feuille de route économie circulaire, un prix du carbone, l'interdiction des produits responsables de la déforestation, et surtout un objectif de neutralité carbone d'ici 2050.
4/ Nucléaire, agriculture, mobilité : tout reste à faire
Mais beaucoup reste à faire. "Le vrai bilan politique de Macron se fera en septembre quand on aura abouti sur la loi Agriculture et Alimentation, sur la loi Mobilité, sur la PPE (Programmation pluriannuelle de l'énergie) et sur le plan Biodiversité", prévient Pascal Canfin. "Il y a deux mondes qui font de la résistance, celui de l'agriculture et du nucléaire, et pour l'instant il n'y a pas de signaux clairs de la part du Président qui nous mettent réellement sur la voie de la transition bas-carbone."
Le plus grand recul du gouvernement porte sur le nucléaire avec le report de "5 à 10 ans" de l'objectif de baisser la part de l'atome dans notre mix électrique de 75 % à 50 % prévu initialement en 2025. On peut aussi citer la suppression des aides au maintien dans l’agriculture biologique, les exceptions à la fin des hydrocarbures, et la promesse de campagne abandonnée sur un audit gratuit pour les foyers en précarité énergétique.
"La neutralité carbone fixe un cap pour 2050. Elle implique des changements de rupture, or pour l'instant, sur tous les chantiers structurants, les mesures importantes ne sont pas prises. On est encore sur une politique des petits pas incohérente avec les objectifs fixés", dénonce Morgane Creach, directrice du Réseau Action Climat.
5/ Une position européenne parfois ambiguë
Enfin sur le plan européen, la France tergiverse. Si elle a été fer de lance sur plusieurs sujets, tels que le glyphosate, la promotion de la finance verte ou encore la révision à la hausse des objectifs climatiques de l'Union européenne, il y en a d'autres où elle s'est vue décernée un carton rouge.
À l'été 2017, elle tergiverse sur la définition des perturbateurs endocriniens. Alors que Ségolène Royal, l'ancienne ministre de l’environnement s’opposait depuis plus d'un an au projet de loi de la commission européenne – un texte jugé trop laxiste et inefficace – Paris a finalement voté pour.
En janvier dernier, le Parlement européen a voté un amendement pour que la future directive sur les énergies renouvelables exige la fin de l’utilisation de l’huile de palme comme agrocarburant d’ici 2021. Quatre pays s’y opposent à ce jour parmi lesquels la France, alors que Total est en train de construire une bio raffinerie dans les Bouches-du-Rhône.
Concepcion Alvarez, @conce1