Publié le 24 juin 2020
ENVIRONNEMENT
110 km/h sur autoroute : un gain environnemental avéré mais un risque politique
Pour ne pas polariser les débats, les 150 citoyens de la Convention pour le climat ont abandonné la semaine de travail à 28 heures mais c'est une autre proposition qui a mis l'huile sur le feu : celle du passage à 110 km/h sur les autoroutes. Un sujet sensible alors que la baisse de la vitesse sur les routes secondaires avait contribué à la naissance des Gilets Jaunes. La mesure a un réel intérêt pour réduire les émissions de gaz à effet de serre mais elle risque aussi de réduire à néant l'immense travail réalisé.

@CC0
Ce n’est qu’une mesure parmi les 149 adoptées par la Convention citoyenne pour le climat, mais c’est celle qui retient toute l’attention : la réduction de la vitesse sur autoroute de 130 à 110 km/h. Immédiatement, les associations de défense des automobilistes sont montées au créneau et ont lancé une pétition déjà signée par 600 000 personnes. "Depuis le lancement de l’association, je n’ai jamais vu une telle mobilisation sur notre site internet ", assure Pierre Chasseray, le délégué général de 40 millions d’automobilistes sur RTL.
"Les avantages pour le climat sont réels puisqu’ils permettent une réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en moyenne sur ces transports. Ils permettent également d’économiser du carburant (1,40 euros en moyenne par 100 km), de faire baisser la mortalité et les dommages corporels sur les routes et peuvent contribuer à réduire les bouchons", expliquent les citoyens de la Convention pour le climat (CCC) . Mais même entre eux, le sujet a été clivant puisque la mesure n’a été adoptée qu’à 60 % contre 96 à 99 % pour toutes les autres.
Une mesure qui touche les plus favorisés
Selon l’Ademe, qui a publié une étude sur la question en 2014 (1), "une réduction de la vitesse sur les voies rapides peut entraîner une baisse des émissions pouvant aller jusqu’à 20% pour les oxydes d’azote et les particules fines PM10 et jusqu’à 8% pour les polluants dans l’air ambiant". "La limitation de vitesse permet d’agir sur le trafic en le fluidifiant et en réduisant la congestion", ajoute l’agence.
En contrepartie, un allongement des temps de trajets est à prévoir, entre 4 et 8 minutes par heure. Le Commissariat général au développement durable avait estimé en 2018 (2) la perte économique d’un passage à 110 km/h à 550 millions d'euros, "due à la perte de temps occasionnée (- 1 150 M€) qui n’est pas compensée par les gains en accidentalité (150 M€) et les économies de carburant (360 M€)".
Si les citoyens de la Convention pour le climat reconnaissent que la mesure est "relativement complexe à mettre en place du point de vue de l’acceptabilité", ils précisent aussi que "les autoroutes sont globalement moins utilisées par les citoyens pour des trajets quotidiens." "Une telle mesure toucherait davantage les ménages plus favorisés pour des trajets non contraints. Par ailleurs, cette baisse fournirait une incitation à privilégier le train pour les trajets longue distance", note également l’association Forum vies mobiles.
Un référendum sur le sujet ?
Après la fronde des Gilets jaunes, attisée par le passage à 80 km/h sur les routes secondaires, le gouvernement prendra-t-il le risque de relancer le débat ? Au lendemain de la remise du rapport final par les 150 à l’exécutif, le secrétaire d'État aux Transports, Jean-Baptiste Djebbaria, a estimé que cette proposition pourrait être soumise aux Français, parmi d'autres questions, tandis qu’Elisabeth Borne, la ministre de la Transition écologique, se déclarait "à titre personnel" en faveur d’une telle mesure. L'Ademe de son côté va faire un bilan global de la mesure en évaluant notamment le report du trafic sur les axes secondaires.
Pour éviter un risque de piochage ou de détournement politique lors d’un référendum sur un sujet aussi polémique, plusieurs groupes parlementaires se mobilisent pour donner une autre suite aux travaux de la CCC. "Nous sommes prêts à traduire dans la loi l’ensemble des 149 propositions de nature législative formulées par la Convention dimanche", a assuré Delphine Batho, membre du groupe Écologie, Démocratie, Solidarités. Les députés communistes réclament aussi un prolongement démocratique au sein du Parlement.
Concepcion Alvarez, @conce1
(1) Voir l'étude de l'Ademe
(2) Voir l'étude de la CGDD