Publié le 10 mars 2023
ENVIRONNEMENT
1000 fuites de méthane super-émettrices : les majors pétrolières et gazières "n’ont aucune excuse" pour ne pas agir
Ce sont des fuites qui interviennent lors de l'exploration, la production ou le transport d'énergies fossiles comme le pétrole. Ces fuites de méthane, au pouvoir extrêmement réchauffant dans l'atmosphère, seraient pourtant facilement évitables si le secteur voulait vraiment y faire face, s'accordent les experts. Une réduction de 45 % de ses émissions d'ici 2030, empêcherait une augmentation de la température de 0,3°C d'ici à 2040. Une baisse non négligeable.

@iStock / lanolan
Au moins 1 000 fuites de méthane "super-émettrices" ont été recensées en 2022 dans le monde grâce à des données satellitaires analysées par l’entreprise Kayrros et révélées dans The Guardian. La majorité de ces fuites est liées à l’exploration, à la production et au transport d’énergies fossiles. Trois pays ont concentré la moitié de ces fuites, le Turkménistan, les États-Unis et l’Inde.
Le Turkménistan remporte notamment le triste record du nombre d’événements avec 184 fuites recensées mais aussi celui de la fuite la plus importante. C’était en août dernier près d’un important pipeline qui a laissé échappé 427 tonnes de méthane par heure, relâchant au total l'équivalent de ce qu’émettent 67 millions de voitures en circulation.
"Certaines fuites sont délibérées, évacuant dans l'air le gaz indésirable libéré du sous-sol lors du forage de pétrole, et certaines sont accidentelles, provenant d'équipements mal entretenus ou mal réglementés", précise le quotidien britannique.
55 bombes à méthane
Pour rappel, le méthane est le deuxième plus important gaz à effet de serre après le CO2. Il est aujourd’hui responsable de 25% des émissions de gaz à effet de serre mondiales et a contribué au tiers de l'augmentation de la température depuis la période pré-industrielle. Surtout, c’est un gaz au pouvoir de réchauffement 82 fois plus important que celui du CO2 sur une période de vingt ans. Mais sa durée de vie d’une dizaine d’années seulement, contre 100 ans pour le C02, en fait un puissant levier dans la lutte contre le changement climatique.
Selon le Giec, une réduction de ses émissions de 45% d'ici 2030, empêcherait une augmentation de la température de 0,3°C d'ici à 2040, et jusqu'à 0,8°C d'ici à la fin du siècle. Pour l’instant, ce n’est pas la trajectoire observée, bien au contraire. Les émissions de méthane ne cessent d'augmenter et les fuites dans l’industrie pétro-gazières ont crû de 50% entre 2000 et 2019. The Guardian recense 55 bombes à méthane en construction, les trois principales se trouvant en Amérique du Nord.
Pourtant, "les réductions de méthane sont parmi les options les moins chères pour limiter le réchauffement climatique à court terme", a déclaré Fatih Birol, directeur de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). "Il n'y a tout simplement aucune excuse." "Il faudrait moins de 3% des revenus accumulés par les sociétés pétrolières et gazières dans le monde l'année dernière pour réunir les 100 milliards de dollars d'investissements nécessaires pour atteindre une réduction de 75 % des émissions de méthane provenant du pétrole et du gaz", indique ainsi l’AIE dans son rapport Global Methane Tracker 2023 publié le 21 février.
L'accord de Paris remis en question
"L'accélération du méthane est peut-être le facteur le plus important qui remet en question nos objectifs de l'accord de Paris. Donc, supprimer les super-émetteurs est une évidence pour ralentir la hausse", explique le professeur Euan Nisbet, du Royal Holloway de l'Université de Londres au Royaume-Uni, auprès du Guardian.
Un engagement mondial sur le méthane, visant à réduire les émissions d'origine humaine de 30% d'ici 2030, a été annoncé lors du sommet sur le climat Cop26 de l'ONU à Glasgow en 2021. Le nombre de nations soutenant cet engagement a maintenant atteint 150, bien que certains pays clés n'aient pas signé, comme la Russie, la Chine, le Turkménistan, l'Iran et l'Inde.
Des réglementations commencent également à voir le jour. Aux États-Unis, par exemple, les entreprises devront payer 900 dollars la tonne pour les fuites de méthane à partir de 2024, pour atteindre 1 500 dollars la tonne en 2026. L'Union européenne a également proposé des réglementations obligeant les entreprises à colmater les fuites et à interdire l’éventage et le torchage de routine.
Concepcion Alvarez @conce1