Publié le 10 octobre 2022
ENVIRONNEMENT
Les atteintes graves à l’environnement peuvent désormais faire l’objet d’une procédure d’urgence
Le Conseil d’État a reconnu, dans une ordonnance du 20 septembre dernier, le droit de vivre dans un environnement sain et équilibré comme une liberté fondamentale. Cela ouvre la voie du contentieux en référé-liberté qui permet d’aller très vite pour arrêter une atteinte à l'environnement, puisque le juge doit se prononcer en 48 heures. En théorie, cela marque une avancée dans la protection de l’environnement, mais dans la pratique, les critères d’application drastiques de cette procédure d’urgence risquent d’en limiter la portée.

@iStock / Pattanaphong Khuankaew
"Le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé", inscrit dans l’article premier de la charte de l’environnement, a été reconnu par le Conseil d’État comme une liberté fondamentale, dans une ordonnance du 20 septembre 2022. La plus haute juridiction française ouvre donc la voie du référé-liberté pour les atteintes à l’environnement graves qui nécessiteraient une réponse urgente. Ce qui n’était pas le cas jusqu’alors.
Cette procédure d’urgence permet de demander au juge des référés de prendre sous un délai de 48 heures des mesures pour sauvegarder une liberté fondamentale à laquelle l’administration aurait porté atteinte, contre 15 jours en référé-suspension. C’est donc, en théorie, une avancée notable pour la protection de l’environnement. C’était en outre l’une des propositions d’amélioration portées par la mission flash sur le référé spécial environnemental, en mars 2021.
"Dans le domaine de l’environnement, les dommages causés peuvent être irréparables : il est donc impératif de pouvoir intervenir rapidement en amont, avant toute instance définitive au fond, et c’est pourquoi la question des référés est éminemment importante", expliquent les co-rapporteurs Naïma Moutchou et Cécile Untermaier dans leurs conclusions.
"Une révolution ? Impossible à prédire pour le moment"
Mais dans la pratique, l’impact de cette décision est encore difficile à mesurer tant les critères d’application du référé-liberté sont drastiques. "Le Conseil d’État a ouvert une brèche", se félicite auprès de l'AFP Sébastien Mabile, avocat spécialiste du droit de l'environnement, qui voit dans cet arrêt l'illustration de l'évolution des hautes juridictions françaises et européennes sur le climat. Désormais, veut croire l'avocat, "on va pouvoir obtenir des avancées majeures dans des domaines très larges en matière d’atteintes à l'environnement."
"S’agit-il d’une révolution pratique pour le contentieux de l’environnement ? Impossible à prédire pour le moment", tempère sur Twitter Julien Bétaille, maître de conférences en droit à l'université de Toulouse. "La nouveauté, ici, ce n'est pas que le droit à l'environnement soit une liberté fondamentale, mais seulement que le Conseil d'État veuille bien le reconnaître, cinquante ans après la Déclaration de Stockholm, presque vingt-cinq ans après la Cour européenne des droits de l'Homme, dix-sept ans après la Constitution et le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne", poursuit le spécialiste.
En l’occurrence, dans l’ordonnance du 20 septembre, le Conseil d’État a finalement rejeté la demande des requérants qui réclamaient la suspension des travaux routiers pour atteinte à des espèces protégées. Il a estimé que la condition d’urgence requise et l’atteinte grave et manifestement illégale ne se justifiaient pas dans ce cas précis.
Concepcion Alvarez @conce1