Publié le 12 juillet 2023
ENVIRONNEMENT
Le Parlement européen adopte la loi sur la restauration de la nature, sauvant in extremis le Green Deal
Un vote décisif avait lieu ce mercredi 12 juillet au Parlement européen. Les eurodéputés devaient se prononcer sur la restauration de la nature, une loi très critiquée par la droite et l'extrême-droite qui ont bien failli réussir à la faire enterrer. Finalement, c'est à une courte majorité que les députés européens ont adopté le texte, sauvant au passage le Green Deal. Place désormais aux négociations en trilogue.

@Parlement européen
C’est une salve d’applaudissements prolongés qui a accueilli l’adoption, mercredi 12 juillet, de la loi sur la restauration de la nature par le Parlement européen à Strasbourg, à une courte majorité. Le texte est sans aucun doute celui qui aura été le plus contesté du Green Deal, le paquet vert européen pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Il était vivement critiqué depuis plusieurs semaines par la droite et l’extrême-droite qui mettaient en avant le risque sur la production alimentaire et le coût de la vie qu’il ferait peser, et qui appelaient à une pause réglementaire.
Le PPE, le Parti populaire européen, première force au sein du Parlement européen, avait même un temps quitté la table des discussions exigeant un moratoire sur le texte. Celui-ci avait en outre été rejeté par la commission Agriculture et Pêche, puis par la commission Environnement, n’augurant rien de bon. Mais finalement, après une lutte acharnée des partis de gauche et d’une partie des eurodéputés de Renew, soutenus par la société civile, la motion de rejet n’a pas obtenu les voix nécessaires pour enterrer la proposition. Cela s’est joué de peu… À 12 voix près, le texte aurait tout simplement été retiré, sans aucune alternative.
"Un vraiment moment de bonheur !"
Une fois la motion de rejet écartée, les eurodéputés ont entamé une longue série de votes sur quelque 136 amendements, certains entraînant une réduction de l'ambition initiale. Puis le vote final a conclu à une adoption du texte, à 336 voix pour et 300 contre. "Nous sommes au rendez-vous de notre avenir! L’opération de l’extrême-droite et de Manfred Weber (le président du PPE, ndr) a échoué. Un vraiment moment de bonheur !", a immédiatement tweeté Pascal Canfin, eurodéputé Renew et président de la commission Environnement. "Notre mobilisation a payé : la "pause environnementale" est rejetée !" a également réagi l'eurodéputée et présidente du groupe de la gauche au Parlement, Manon Aubry.
Lors d'une conférence de presse, le rapporteur du texte, le socialiste Cesar Luena n'a pas caché son immense soulagement. "Nous avons gagné. C'est une grande victoire sociale, une victoire de la communauté scientifique, des ONG, des jeunes, des entreprises du secteur primaire qui poussaient pour ce texte. Je tiens à dire que c'est une bonne loi et une très bonne nouvelle pour la nature", a-t-il déclaré. "C'est aussi une bonne nouvelle pour l'Europe qui se place dans la lignée de l’accord de Kunming-Montréal, adopté à la COP15 en décembre dernier", a-t-il ajouté.
La loi de restauration de la nature, l’équivalent de la loi climat européenne pour la biodiversité, visait à restaurer 20% des écosystèmes terrestres et marins dégradés d’ici 2030. Elle prévoyait aussi l’extension de zones "à haute diversité" (haies, mares, jachères, tourbières…) avec l’objectif indicatif qu’elles représentent 10% des terres agricoles à l’échelle de l’UE. Mais le texte finalement adopté est bien moins ambitieux que celui proposé initialement par la Commission européenne, notamment sur la restauration des écosystèmes agricoles.
"On se serait parfois cru dans le film Dont' look up"
"Le texte est totalement vidé de sa substance", a ainsi affirmé Anne Sander, rapporteure PPE du texte, qui s'est félicité des nombreux amendements obtenus. "Parfois, ne pas perdre est déjà une victoire", tempère l’eurodéputée Verts Marie Toussaint, qui se réjouit d’avoir réussi à "sauver le texte". Parmi les amendements que la droite et l’extrême-droite ont réussi à faire passer, il y a par exemple la suppression des mesures pour restaurer les tourbières, des indicateurs chiffrés ont également été supprimés.
"Nous faisons tous l'analyse qu'il vaut mieux ce texte que pas de texte du tout, car c'est le seul qui se concentre sur la restauration de la nature et pas seulement sur la protection", complète Pascal Canfin lors d'un brief presse. Le texte vise en effet à réparer les écosystèmes et non pas à créer de nouvelles zones protégées. "En outre environ 80% du texte a été maintenu. La bataille va désormais porter sur les 20% restant qui concerne toute la partie sur l'agriculture", explique le député. Il dénonce par ailleurs la prise en otage du texte par une alliance politique qui n'a fait que propager des "fake news".
"On se serait parfois cru dans le film Dont' look up", ironise Cesar Luena qui évoque "une trahison" de la part du PPE, à un an des élections. Il appelle désormais la droite européenne "à revenir dans les négociations" et "à rectifier le tir". Un trilogue entre la Commission européenne, le Conseil de l'UE et le Parlement va démarrer, avec une adoption définitive attendue d'ici la fin de l'année.
Dans le cadre du Green Deal, une trentaine de textes sur une cinquantaine prévue ont d’ores et déjà été adoptés sur la réforme du marché carbone, la création d’une taxe carbone aux frontières ou encore la fin du moteur thermique en 2035. Si la loi de restauration de la nature avait été rejetée, il aurait été très difficile de poursuivre...