Publié le 02 avril 2021

ENVIRONNEMENT

La pêche au chalut libère autant de CO2 que l'ensemble du secteur aérien

Les sédiments marins sont des réservoirs de carbone. Or, la pêche au chalut, qui racle le fond des océans, libère dans les eaux du monde entier des tonnes de CO2 jusqu'alors stockés. Une étude publiée mi-mars dans la revue Nature en a révélé l'ampleur : la pêche au chalut rejette autant, voire plus de dioxyde de carbone que le secteur aérien.

IStock fond marin GoranStimac
En raclant les fonds marins avec les filets, la pêche au chalut détruit les écosystèmes.
GoranStimac / Istock

La pêche au chalut est souvent décriée pour son impact sur la biodiversité. La pratique consiste à trainer d’imposants filets qui raclent les fonds marins pour optimiser les captures de poissons. Certains chalutiers peuvent ainsi pêcher près de 250 tonnes de poissons par jour, épuisant ainsi les ressources et détruisant au passage les écosystèmes. Une étude et de plusieurs universités américaines et l'Ifremer, publiée dans la prestigieuse revue Nature mi-mars, vient d’en dévoiler une autre face sombre : le chalutage relâche dans l’eau plus de dioxyde de carbone dans l'eau que le secteur aérien dans l’air. Soit entre 0,6 à 1,5 gigatonne de tonnes de CO2 par an, contre 0,9 gigatonne en 2019 pour le transport aérien.  Rédigée par 26 biologistes marins, climatologues, et économistes, il s’agit de la première étude au monde à s’intéresser à l’impact climatique de ce type de pêche.

Un résultat alarmant. "Les sédiments marins constituent le premier réservoir de carbone à long terme de la planète, alertent les auteurs de l’étude. La perturbation de ces réserves en carbone […] est susceptible d’augmenter l'acidification des océans, de réduire la capacité d’absorption du CO2 par l'océan et de contribuer à son accumulation dans l'atmosphère. Ces 1 500 millions de tonnes relâchées dans l'océan ne représentent que 0,02 % du carbone sédimentaire marin total, mais cela équivaut à 15 à 20 % du CO2 atmosphérique absorbé par l'océan chaque année".

Protéger les océans

Chaque année, 4,9 millions de km2 de fond marin seraient raclés par les chaluts, soit environ 1,3 % de la surface océanique. Si le chalutage en en eau profonde à plus de 800 mètres (et à 400 mètres pour les zones dites vulnérables) est interdit dans les océans de l'Union européenne depuis 2016, la pratique est encore légale dans 60 % des mers et océans du globe.

Pour contrer ces effets, les chercheurs préconisent la mise en place de zones protégées là où les fonds marins stockent le plus de carbone, et où le chalutage est le plus important. "Il suffirait ainsi de protéger 3,6 % de l'océan pour éliminer 90 % du risque de perturbation du carbone sédimentaire", détaillent les auteurs de l'étude. Un niveau de protection minimum. Pour permettre également de préserver la biodiversité et les populations de poissons, les chercheurs estiment qu’il est nécessaire de protéger au moins 28% de la surface mondiale des océans, contre seulement 2,7 % aujourd’hui.

Pauline Fricot, @PaulineFricot 


© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

ENVIRONNEMENT

Biodiversité

Préserver la diversité des écosystèmes est indispensable pour gérer durablement les ressources de la planète. Quelles doivent être les conditions d’utilisation de ces ressources ? Peut-on breveter des plantes et pour quels usages ? Autant de questions posées au secteur cosmétique et pharmaceutique.

Protestation contre chalutiers geants ONG Bloom FRED TANNEAU AFP

Après les jets privés, un compte Twitter traque les méga-chalutiers qui épuisent les ressources

L’association de défense des océans Bloom vient de lancer Trawl watch, un compte Twitter permettant de suivre les pratiques des chalutiers dans les eaux françaises. Sur le modèle des comptes traquant les déplacements en jet privés, l’ONG espère braquer les projecteurs sur les impacts controversés de...

IStock @ratpack223 exploitation minière abysse océan fonds marin

Accord historique pour protéger la haute mer : pourquoi c'était inespéré après 15 ans de négociations

Les États membres de l'ONU se sont enfin mis d'accord sur le premier traité international de protection de la haute mer. Les négociations lancées il y a une quinzaine d'années ont abouti dans la nuit de samedi à dimanche 5 mars. Le texte, qui se veut contraignant, prévoit la création d'aires marines...

Laboratoire scientifiques pesticides tests autorisation iStock

L’État attaqué sur la toxicité des pesticides : "Nous sommes les cobayes de l’industrie"

Nouveau recours contre l'État. Une trentaine d'organisations et 28 députés ont saisi jeudi 2 février le Conseil d'État afin d'ordonner au gouvernement de respecter la règlementation européenne en matière d'évaluation des pesticides. Celle-ci exige de prendre en compte la toxicité de l'ensemble des...

Exploitation fonds marins moratoire Campagne Serpentine 2007 IFREMER VICTOR

La France, porte-voix d’un moratoire contre l’exploitation des fonds marins dans les eaux internationales

Mardi 17 janvier, les députés ont adopté à la majorité absolue une résolution visant à défendre un moratoire contre l’exploitation des fonds marins dans les eaux internationales. Une activité qui n’est pas aujourd’hui réglementée et qui fait l’objet d’un vif intérêt en raison des métaux contenus...