Publié le 09 août 2018

ENVIRONNEMENT

Boycotter l’huile de palme serait inutile et pourrait même aggraver le problème, selon l'UICN

Bien que la production d’huile de palme ait des conséquences catastrophiques sur la biodiversité, la remplacer par d’autres huiles serait encore pire, alerte l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dans un rapport. Les experts estiment en effet que les autres cultures oléagineuses requièrent jusqu’à neuf fois plus de terres pour le même volume de production. 

La moitié de la population mondiale utilise l’huile de palme pour son alimentation.
@nanangsujanaran

Elle est l’une des cibles privilégiées des défenseurs de l’environnement. L’huile de palme est souvent au cœur de la polémique et de nombreuses voix s’élèvent pour demander son interdiction ou son boycott. Mais il s’agirait là d’une fausse-bonne idée, alerte l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dans un rapport (1).

"Si nous l’interdisons ou la boycottons, d’autres huiles, plus gourmandes en terres, prendront très certainement sa place. L’huile de palme est là pour durer, et nous avons de toute urgence besoin de mesures concertées pour rendre sa production plus durable, en veillant à ce que toutes les parties - gouvernements, producteurs et la chaîne d’approvisionnement - respectent leurs engagements en matière de durabilité" affirme Inger Andersen, la directrice générale de l’UICN.

193 espèces menacées

La moitié de la population mondiale utilise l’huile de palme pour son alimentation, s’en passer serait donc compliqué. Et la remplacer par d’autres huiles pour satisfaire la demande mondiale pourrait s’avérer encore pire sachant que les autres cultures oléagineuses requièrent jusqu’à neuf fois plus de terres que l’huile de palme pour la même production, indique l'ONG. Les palmiers à huile produisent 35 % de toute l’huile végétale produite dans le monde, sur moins de 10 % des terres affectées aux cultures oléagineuses.

L’huile de palme est cultivée dans les régions tropicales riches en espèces, c’est pourquoi son développement peut avoir des effets catastrophiques sur la biodiversité mondiale. On estime qu’elle affecte 193 espèces déjà considérées comme menacées et classées dans la Liste rouge de l'UICN tel que les orangs-outans, les gibbons et les tigres. Mais si d'autres cultures oléagineuses remplaçaient l’huile de palme, les dommages pourraient se déplacer vers des écosystèmes comme les forêts tropicales d’Amérique du Sud ou la savane. 

Inefficacité de l’huile de palme certifiée

"L’huile de palme décime la riche diversité d’espèces de l’Asie du Sud-Est, car elle dévore des pans entiers de forêt tropicale. Cependant, si elle était remplacée par des zones bien plus vastes de champs de colza, de soja ou de tournesol, d’autres écosystèmes et d’autres espèces en subiraient les conséquences. Pour mettre un terme à la destruction, nous devons chercher à avoir une huile de palme exempte de déforestation", explique Erik Meijaard, le principal auteur du rapport et Président du Groupe d'études sur l’huile de palme de l’UICN.

L'organisme suggère de faire des plantations sur des zones dégradées, et non à la place de forêts tropicales ou des zones de tourbières, et d’améliorer la gestion des pans de forêts encore intacts dans les plantations. Elle appelle pour cela à plus de transparence et d’engagements dans la filière certifiée durable pour que celle-ci s’impose comme une référence.

"L’huile de palme certifiée s’est avérée, jusqu’à présent, à peine plus efficace pour empêcher la déforestation que son équivalente non-certifiée, mais l’approche est encore relativement nouvelle et possède un potentiel pour améliorer la durabilité", espère l’UICN.

Concepcion Alvarez, @conce1


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