Publié le 12 janvier 2023

ENVIRONNEMENT

Insécurité, alcoolémie, accident... Le plan chasse tire à côté

Après plusieurs mois de débat, le gouvernement a annoncé une série de quatorze mesures visant à sécuriser la pratique de la chasse. Formation, contrôle d’alcoolémie, application mobile… Le plan dévoilé par la secrétaire d’État à l’Écologie satisfait les chasseurs mais peine à convaincre les associations. La question des accidents, particulièrement médiatisée depuis le décès de Morgan Keane en 2020, soulève de nombreux enjeux, notamment le partage de la nature. 

SEBASTIEN BOZONAFP
L'une des mesures phares du plan gouvernemental est la mise en place d'une application permettant aux chasseurs de se signaler.
SEBASTIEN BOZON / AFP

Le verdict dans le procès pour la mort de Morgan Keane, tué en décembre 2020 par un chasseur alors que le jeune homme de 25 ans coupait du bois dans sa propriété, a été rendu ce jeudi 12 janvier. Le tribunal judiciaire de Cahors a condamné le chasseur à deux ans de prison avec sursis, assorti d’une interdiction de chasser à vie. Hasard de calendrier, ce jugement intervient seulement quelques jours après l’annonce du plan gouvernemental pour sécuriser la chasse qui peine à convaincre les associations. Si ces dernières espéraient des mesures fortes, comme l’interdiction de la pratique une journée par semaine, cela ne sera finalement pas le cas.

Après des mois de débat, les décisions ont été présentées lundi 9 janvier par la secrétaire d’État à l’Écologie, Bérangère Couillard, lors d'un déplacement dans le Loiret. L’objectif principal affiché par le gouvernement est de "tendre vers le zéro accident". Selon l'Office français de la biodiversité (OFB), qui délivre les permis en France et participe à la police de la chasse, le nombre d'accidents de chasse recule depuis 20 ans. Lors de la saison 2021/2022, 90 accidents ont toutefois été recensés, contre 80 la saison précédente. Parmi eux, huit ont été mortels, dont deux sur des non-chasseurs.

L‘insécurité au cœur des débats

Le partage et la sécurisation des espaces naturels est d’ailleurs au cœur des débats. Fin octobre, la secrétaire d’État avait évoqué l'idée d'une demi-journée sans chasse, répondant aux inquiétudes des citoyens et des associations. Mais cette piste, dont les fédérations de chasse ne voulaient pas entendre parler, a finalement été écartée. "Sur les 20 dernières années, rien ne me dit que le dimanche est plus accidentogène que les autres jours", a justifié Bérangère Couillard. Un rapport sénatorial remis en septembre montrait toutefois que sur la période 2003-2022, 71% des accidents avaient eu lieu le week-end. 

Une conclusion partagée par le collectif Un jour un chasseur, qui répertorie le spectre entier des accidents et incidents de chasse sur une carte interactive. Audrey Tindilière, co-fondatrice du collectif, dénonce "des mesures en demi-teinte, déconnectées des attentes des ruraux qui subissent la chasse depuis des années". Même réaction du côté de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), dont le président Allain Bougrain-Dubourg, déclare : "C'est un mépris inacceptable à l'égard des 80% de Français qui attendent un cessez-le-feu".

Selon un sondage Ifop mené à la mi-décembre auprès de 1 000 personnes pour diverses associations de protection de l'environnement, 78% des Français étaient en effet favorables à un "dimanche non chassé". L’enquête indique un sentiment d’insécurité en période de chasse en nette progression pour 70% d’entre eux, les habitants des campagnes étant les plus inquiets. Willy Schraen, le patron des chasseurs, qui estimait qu'un dimanche sans chasse mettrait la ruralité "à feu et à sang", a déclaré le 9 janvier "prendre acte" des "mesures de bon sens" du gouvernement, saluant leur "pragmatisme" et attendant "d'en voir les modalités pratiques".

Une application peu convaincante

"Nous avons choisi de ne pas interdire, mais plutôt de favoriser la coexistence. On croit à la cohabitation", a expliqué Bérangère Couillard. Pour mieux informer les promeneurs, une application pour smartphones sera ainsi déployée à l'automne. Les organisateurs de chasse collective devront s'y déclarer. Mais plusieurs points posent encore question. Cette application ne concernera par exemple que les forêts publiques. Bérangère Couillard reconnait une "difficulté" pour l'étendre aux forêts privées, soit les trois quarts des forêts françaises. 

"Cela pose un gros problème de responsabilité en cas d’accident", souligne par ailleurs Audrey Tindilière, qui précise que l’application repose également sur la bonne volonté des chasseurs. Une participation loin d’être gagnée. Dans une interview publiée dans le quotidien La Dépêche le 9 janvier, Willy Schraen, président de la Fédération nationale des Chasseurs affirme : "Je suis totalement contre ça et je ne déclarerai jamais ma battue. 85% des forêts sont des forêts privées en France. Si je suis chez moi, c'est ma propriété privée, je n'ai aucun flicage à avoir en ce qui me concerne."

Autre mesure phare du plan : la création d'un délit d'alcoolémie pour les chasseurs, comme celui pour les automobilistes, soit un seuil maximal fixé à 0,5 g d'alcool par litre de sang. Les sanctions administratives en cas d'accident grave seront renforcées avec la possibilité d'un retrait du permis de chasse pendant une période déterminée, avec interdiction de le repasser. Parmi les mesures figure également la généralisation de la formation théorique et pratique des chasseurs. Un enjeu central alors que le non-respect des règles de sécurité fondamentales représente plus de la moitié des accidents.

Florine Morestin avec AFP


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