Publié le 30 septembre 2019
ENVIRONNEMENT
Usine Lubrizol : une "marée noire" tombée du ciel qui inquiète les agriculteurs
Les bêtes et les sols sont-ils pollués ? Après le grave incendie de l'usine chimique Lubrizol à Rouen, la préfecture de Seine-Maritime a gelé la récolte des agriculteurs au nom du principe de précaution. Certains éleveurs doivent jeter des centaines de litres de lait, denrée périssable. Le manque à gagner est énorme pour le secteur agricole, déjà en crise.

LouBenoist/AFP
Le cauchemar continue à Rouen. Après l’important incendie de l’usine Lubrizol survenue le 26 septembre, à quelques kilomètres de la ville, l’inquiétude règne chez les agriculteurs. "Si les analyses ne sont pas bonnes, ce serait le scénario catastrophe", décrit Aline Catoir, éleveuse de vaches laitières en Normandie.
Face aux conséquences encore inconnues du nuage de fumée, décrit comme une "marée noire du ciel", la préfecture de Seine-Maritime a décidé de geler la récolte des producteurs, au nom du principe de précaution. L’usine était classée Seveso en raison de la présence de produits chimiques dangereux. Elle fournissait des additifs pour les huiles pour moteurs, des lubrifiants industriels et pour les carburants.
#incendie #Lubrizol
Précautions particulières pour #éleveurs et #agriculteurs
Rentrer les animaux
Sécuriser leur alimentation et leur abreuvement en les mettant à l'abri
Suspendre les récoltes@Min_Agriculture— Préfet de la Seine-Maritime (@Prefet76) September 26, 2019
Des centaines de litres de lait jetées
"On se demande comment la zone a été définie, nous, nous y sommes, mais je connais des gens qui ne sont pas dans la liste qui avaient des toits de voitures noirs ! Ça pose certaines questions", juge Sébastien Catoir agriculteur à Conteville, à 50 km au nord du lieu de l’accident industriel. Au total, 112 communes du département sont concernées par ce gel des récoltes.
L’arrêté restreint la mise sur le marché "du lait, des œufs, du miel, et des poissons d’élevage", "des productions végétales ou des aliments pour animaux", ainsi que des "productions animales ou d’origine animale". Les agriculteurs doivent consigner leurs produits jusqu’à ce qu’une évaluation du risque sanitaire soit effectuée. S’ils dérogent à cette règle, ils peuvent être condamnés à une peine de deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. Le manque à gagner est important pour ce secteur, déjà en crise.
"Le lait est une denrée périssable, on le jette", explique à France Bleu Stéphane Donckele, éleveur de vaches laitières à Catenay. "Aujourd’hui je perds 700 euros par jour. Le réservoir dans lequel on stocke le lait, théoriquement trois jours, est plein. Si on veut continuer à traire, il faut bien qu'on le vide. Donc là on jette parce que les laiteries ne viennent pas le chercher", déplore-t-il. L’agriculteur déverse donc son lait dans la fosse à lisier qui sera remis sur les pâtures et pourrait possiblement polluer ses terres.
Ecoles réouvertes mais agriculture à l'arrêt
Si le principe de précaution est admis dans le secteur agricole, beaucoup ne comprennent pas ce deux poids deux mesures entre la réouverture des écoles à Rouen et l’interdiction qui pèse sur le monde paysan. "Quand on me dit qu’il n’y a pas de problème, il n’y a pas de problème. On me dit aujourd’hui (que) l’air de Rouen n’est pas pollué, c’est relativement satisfaisant. Et sur les cultures, on dit 'stop, basta !' Je ne peux pas le comprendre", explique à Europe 1 Jean-Hugues Fleutry, éleveur d’une cinquantaine de vaches laitières.
Après un été caniculaire et une sécheresse interminable, la question de l’indemnisation est également posée. Le ministère de l’Agriculture, Didier Guillaume, a promis, lundi 30 septembre, que les agriculteurs seraient indemnisés. "Ce sont des victimes, ils ne doivent pas payer le prix de tout cela", a déclaré le ministre invité de RTL Soir, expliquant que certains agriculteurs perdent entre "1000 et 1500 euros par jour" depuis l'incendie.
Marina Fabre, @fabre_marina avec AFP