Publié le 16 novembre 2019

ENVIRONNEMENT

[Science] Dans les champs de colza, les abeilles sont plus rentables que les pesticides

Pour gagner plus, mieux vaut miser sur les abeilles. Des chercheurs de l'INRA et du CNRS viennent de publier une étude dans laquelle ils affirment que miser sur les pollinisateurs pour accroître les rendements dans les champs de colza est plus rentable économiquement que d'utiliser des pesticides dans le même cadre. L'agriculteur gagnerait 119 euros en moyenne, par hectare, faisant de l'agroécologie un modèle alternatif viable.

Champs de colza abeille rentabilite
Les résultats de l'étude ont suscité la réaction de deux ingénieurs de Terres Inovia qui dénoncent "des limites méthodologiques fondamentales".
CC0

C’est une étude qui apporte de nouveaux éléments quant aux bienfaits de l’agroécologie. Des chercheurs de l’INRA et du CNRS ont comparé deux stratégies adoptées par les agriculteurs pour augmenter leur rendement. D’un côté, l’usage de produits phytopharmaceutiques qui permet de réduire les bio agresseurs comme les ravageurs, les plantes adventices (les mauvaises herbes) ou les agents pathogènes. De l’autre, la forte présence de pollinisateurs, ce qui suppose d’utiliser le moins possible de pesticides.

119 euros de plus par hectare 

Les scientifiques ont scruté pendant trois ans, de 2013 à 2016, des centaines de parcelles de colza dans une plaine agricole des Deux Sèvres. Ils ont pris en compte les types de sols, les variétés de colza, les engrais et pesticides utilisés, etc. Il en résulte que la stratégie liée aux pesticides est bien moins rentable que les pollinisateurs. "Les deux stratégies permettent d’obtenir des rendements élevés. Mais la pollinisation par les abeilles permet une rentabilité économique plus élevée", notent les chercheurs.

L’étude indique une augmentation de marge brute en moyenne de 119 euros par hectare. Celle-ci peut aller jusqu'à 289 euros dans les parcelles ayant une forte abondance de pollinisateurs par rapport aux parcelles dépourvues d’abeilles. "Ceci s’explique par l’absence des coûts des solutions fondées par la nature par rapport aux produits phytopharmaceutiques, et ces derniers n’augmentant pas suffisamment les rendements pour contrebalancer leur coût", soulignent les chercheurs.

Des conclusions controversées

Pour les auteurs de l’étude, pas de doute, l’agroécologie peut être un modèle agricole alternatif "gagnant-gagnant" assurant production agricole, revenu aux agriculteurs et protection de l’environnement. Encore faut-il convaincre les agriculteurs. Car malgré ces résultats probants, les blocages persistent. "Les verrous ne sont pas qu’économiques : quand bien même on éprouve leur rentabilité, les solutions fondées sur la nature paraissent plus risquées", expliquent les agro-écologues Vincent Bretagnolle, directeur de recherche au CNRS, et Sabrina Gaba, directrice de recherche pour l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), dans Libération, "C’est lié à des freins psychologiques, une aversion au risque mais aussi à l’emprise des filières agro-industrielles".

Cette étude ne fait cependant pas l’unanimité dans le milieu scientifique. Deux ingénieurs de Terres Inovia estiment ainsi que ses conclusions "souffrent de plusieurs limites méthodologiques fondamentales, qui amènent à considérer qu’elles sont peu interprétables et exploitables en l’état". Selon eux, "les chiffres mis en avant dans la communication reprennent les valeurs extrêmes des observations, dont l’impact maximal des pollinisateurs en colza. Le bénéfice réel que peuvent attendre que les producteurs sera généralement moindre et très variable", préviennent-ils. 

Marina Fabre, @fabre_marina


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