Publié le 05 janvier 2019
ENVIRONNEMENT
[Science] Aux États-Unis, un OGM vise à "réinventer" la photosynthèse pour améliorer les rendements agricoles
Le processus de photosynthèse chez les plantes est nécessaire à leur croissance mais elle produit aussi des toxiques que la plante doit éliminer. Afin d’améliorer la production agricole, des chercheurs ont employé des techniques de modification génétique pour court-circuiter ce processus naturel. Selon cette recherche américaine, c’est une solution pour aller au-delà de l’utilisation d’engrais qui atteint ses limites.

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Dans des résultats publiés jeudi 3 janvier dans la revue Science, des chercheurs de l'Institut de biologie génomique de l'Université de l'Illinois affirment avoir réussi à augmenter jusqu'à 40 % le rendement de plants de tabac dans un champ expérimental, grâce à ce qu'ils appellent un court-circuit ou un piratage génétique. Il s'agit d'un organisme génétiquement modifié (OGM).
Le but final n'est pas de produire plus de tabac, mais d'appliquer un jour cette manipulation génétique à du blé ou du soja, afin de répondre à l'appétit croissant de l'humanité. Leurs travaux, dans le cadre d'un projet international, sont financés, entre autres, par la fondation philanthropique de Bill et Melinda Gates et le gouvernement britannique.
Les agriculteurs sont à peu près arrivés au bout des avantages procurés par les engrais, les pesticides ou les techniques agricoles, pour maximiser le rendement d'une culture. Les chercheurs ont voulu employer les méthodes de modifications génétiques pour aller repenser la machinerie même des plantes en modifiant le processus même de la photosynthèse.
ADN d’algue verte
La photosynthèse permet aux plantes de produire des glucides à partir de l'eau et du gaz carbonique (CO2) de l'air, sous l'action de la lumière solaire. Une enzyme baptisée Rubisco agit pour "fixer" le carbone dans la plante. C'est ce qui lui permet de croître.
Mais cette même enzyme fixe aussi dans une moindre mesure l'oxygène... ce qui produit des molécules toxiques, que la plante dépense une énergie considérable à éliminer. Ce processus concurrent de la photosynthèse s'appelle la photorespiration.
Les chercheurs de l'Illinois ont implanté une portion d'ADN d'algue verte dans les cellules de tabac pour créer une sorte de raccourci biologique... permettant à la plante de réaliser la photorespiration plus vite. "La plante peut consacrer cette énergie à sa croissance, au lieu de l'utiliser pour métaboliser ces molécules toxiques", explique à l'AFP Donald Ort, l'auteur principal de l'expérience.
De nombreux échecs
L'étude est importante car c'est la première fois que cette technique, débattue depuis des années, produit une telle hausse du rendement, dans un champ ouvert et non simplement en laboratoire. D'autres techniques avaient tenté de limiter la photorespiration, mais cela s'était toujours fait au détriment d'autres fonctions de la plante.
Reste qu'on est encore loin d'une exploitation à échelle industrielle. Les mêmes chercheurs vont tenter de reproduire leurs résultats avec du soja, des pois et la pomme de terre. Il faut aussi que la technique fonctionne dans divers climats, notamment en Afrique et en Asie du Sud-Est.
Cette technique ne fait pas consensus parmi la communauté scientifique, certains affichent clairement leur scepticisme. Le professeur Arnold Bloom, de l'Université de Californie Davis, rappelle que des quantités d'essais similaires ont été réalisées depuis cinq ou six ans, sans jamais aboutir. Il a lui-même publié dans Nature une étude montrant que la photorespiration n'était pas une fonction inutile des plantes. "Pouvons-nous réinventer la photosynthèse ? Je n'y crois pas", dit-il à l'AFP.
La rédaction avec AFP