Publié le 18 octobre 2023
ENVIRONNEMENT
Pesticides : plus il y a de vignes autour de chez soi, plus le risque de leucémie est important pour les enfants
Plus il y a de vignes à proximité du domicile, plus le risque de développer une leucémie chez l’enfant augmente. Voilà la conclusion très alarmante d’une étude réalisée par une équipe de chercheurs de l’Inserm, publiée mercredi 18 octobre.

CCO
Est-il risqué de vivre à proximité de vignes ? Il est connu que cette culture est l’une des plus consommatrices de pesticides. Or, ces derniers sont suspectés depuis plusieurs années d’augmenter le risque de certaines pathologies. Ainsi en 2015, à Preignac, petite commune de Gironde au beau milieu des vignes, un collectif de parents d’enfants malades s’était inquiété de la fréquence des cancers pédiatriques, bien supérieurs à la moyenne nationale.
Des chercheurs de l’Inserm, en collaboration avec Santé publique France, se sont également penché sur le sujet. Leurs travaux, publiés dans la revue Environmental Health Perspectives mercredi 18 octobre, ont mis en évidence le risque accru de leucémies pédiatriques à mesure que la densité de vignes augmente autour du domicile de l’enfant. "D’après les données que nous avons récoltées, il existe une augmentation du risque de +4 à +8% de développer une leucémie lymphoblastique aiguë à chaque fois que la densité de vignes à moins d’un kilomètre augmente de 10%", a indiqué Stéphanie Goujon, co-responsable du programme Géocap et co-auteure de l’étude lors d’une conférence de presse.
Une étude sur près de 4 000 enfants malades
Pour mener cette étude, les chercheurs de l’Inserm se sont appuyé sur deux groupes d’enfants de moins de 15 ans : 3 711 enfants atteints de leucémie recensés à partir des données du registre national des cancers de l'enfant (RNCE) sur 2006-2013, et 40 196 non malades sélectionnés à partir de données fiscales pour être représentatifs de la population métropolitaine. Pour tous les enfants, les scientifiques ont disposé de leurs adresses, leur permettant ainsi de les géolocaliser. Et la présence et la surface en vignes autour de ces coordonnées ont ensuite été évaluées en utilisant des cartes spécialement construites pour cette étude par Santé publique France.
Pour ses auteurs, "cette étude renforce l'hypothèse selon laquelle l'exposition environnementale aux pesticides peut être associée à la leucémie lymphoblastique chez l'enfant". Et l’un des autres enseignements à retenir de cette étude porte sur la disparité régionale. "L’association entre la densité de viticulture et le risque de leucémie aiguë lymphoblastique apparaît plus marquée dans cinq des douze régions (Centre-Val de Loire, Grand-Est, Pays de la Loire, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur-Corse)", écrivent les chercheurs.
Des disparités régionales
Pourtant, l’absence de sur-risque apparent dans la région Aquitaine pose cependant question. "Ce résultat nous surprend un petit peu" pour une région "très viticole, avec beaucoup d'enfants à proximité de vignes", a répondu Stéphanie Goujon, reconnaissant "peut-être que l'indicateur n'est pas optimal pour cette région".
Les chercheurs ont également montré que ce n'est pas tant le fait de vivre près d'une vigne qui est dangereux, mais plutôt la densité des vignes à moins d'un kilomètre du lieu de résidence, qui présente une augmentation du risque. De même, le risque de développer ce type de cancer reste faible, prévient Stéphanie Goujon, puisque son taux d'incidence est extrêmement limité, avec 45 cas pour un million d’enfants.
Quoiqu'il en soit, ces résultats viennent aujourd’hui questionner la pratique des "zones tampons" de 5 à 10 mètres, de non-traitement associées à certains pesticides, comme le prévoit notamment le projet de nouvelle réglementation européenne sur le glyphosate. Point sur lequel a d’ores et déjà réagi Générations futures qui appelle, en vertu du principe de précaution, à "une extension forte des zones non traitées en bordure des cultures". Chaque année, 500 leucémies pédiatriques sont diagnostiquées en France.