Publié le 04 septembre 2019
ENVIRONNEMENT
Épandages de pesticides : La révolte des maires
C'est la fronde des maires. La suspension de l'arrêté pris par Daniel Cueff, maire de Langouët, sur l'épandage de pesticides à moins de 150 mètres d'une habitation a créé une vague de soutien inédite dans les communes. Au-delà des manifestations citoyennes, une quarantaine de maires ont désormais pris des arrêtés en ce sens. Face à la révolte des élus, Emmanuel Macron a dit vouloir changer la loi.

SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP
Il a mis le feu aux poudres. Le 18 mai dernier, Daniel Cueff, maire de Langouët, village breton de 600 habitants, décide d’interdire les produits phytosanitaires à 150 mètres "de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d’habitation ou professionnel". Le maire écologiste, qui défend un arrêté allant "dans le sens de l’histoire", est alors convoqué devant la justice. Le 27 août, son arrêté est suspendu par le juge des référés du tribunal administratif.
Un effet boule de neige chez les maires
À sa sortie du tribunal, des centaines de personnes l’applaudissent, des dizaines de pétitions pullulent sur le web en soutien au maire résistant. "Parfois il faut désobéir pour faire bouger les lignes. Surtout lorsque c'est un enjeu de santé publique", croit-il. Par son geste, Daniel Cueff a semé les graines de la révolte des maires contre les pesticides. Près d’une quarantaine a désormais pris des arrêtés d’éloignement des produits phyto près des habitations.
"Son arrêté m’a boostée, il était argumenté. J’ai décidé de le suivre dans sa démarche et de pallier une carence de l’État", avance Brigitte Reynaud, maire de Revest des Bousses dans les Alpes Hautes Provence. "L’État n’applique pas le principe de précaution et la directive européenne qui impose à la France depuis 2009 de prendre des mesures pour protéger les habitations de l’épandage des pesticides. C’est mon rôle de le faire", croit la maire.
Bientôt un collectif
Face à la fronde de ces élus qui ne se sentent plus écoutés, Emmanuel Macron dit "soutenir" Daniel Cueff "dans ses intentions". "Mais je ne peux pas être d’accord quand on ne respecte pas la loi, c’est normal, et ça, on va le changer vite", a-t-il poursuivi sans donner davantage de détail. En attendant ce possible changement législatif, le rang des maires frondeurs grossit. Des villes plus importantes comme Sceaux, Gennevilliers, Antony... commencent à entrer dans la danse.
"Dans ma ville, il n'y a pas d'agriculteur. L'arrêté pèse surtout sur les copropriétés et la RATP qui utilise des pesticides pour entretenir ses voies", explique Philippe Laurent (UDI), maire de Sceaux. Les édiles ont décidé de créer un collectif pour "faire pression et aller plus vite". Un site web dédié sera lancé dès la fin de semaine. Il permettra de rétablir les choses : "Nous n’attaquons pas les agriculteurs, mais le produit", défend Daniel Cueff.
Le grand écart entre Elisabeth Borne et Didier Guillaume
Entre la Présidente de la FNSEA, principal syndicat agricole, et les maires qui ont pris ces arrêtés, la hache de guerre est déterrée. "Pourquoi pas la même chose pour les voitures qui n'auraient plus le droit de se garer dans sa commune ?", s’est interrogée Christiane Lambert sur les ondes de Radio Classique. "Chaque maire ne peut pas, comme ça, décider de lui-même sur des sujets très complexes et qui relèvent de l'autorité de l'État", juge-t-elle. La présidente du puissant syndicat milite pour des solutions au cas par cas.
Même au sein du gouvernement, la question de la distance sur laquelle les agriculteurs ne peuvent épandre près des habitations crée des émules. Selon les informations d’Europe 1, le cabinet de la ministre de la Transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, miserait plutôt sur une distance de 100 mètres alors que du côté du ministère de l’agriculture, Didier Guillaume, on pencherait pour une bande de 3 à 5 mètres. Les maires eux, vont continuer leur action devenue très populaire en France. Ils viennent de recevoir le soutien de dizaine d'associations et de Nicolas Hulot qui exhortent l'État à renoncer à poursuivre ces "maires courage".
Marina Fabre, @fabre_marina