Publié le 28 avril 2015
ENVIRONNEMENT
OGM : la Commission européenne profite de la discorde des États pour donner des gages à l’industrie des biotechnologies
Le 24 avril, la Commission européenne a autorisé l’importation de 19 organismes génétiquement modifiés (OGM). Cette décision intervient seulement deux jours après qu’elle ait proposé une réforme des conditions d’importation des OGM en Europe. Passant outre le débat qui s’ouvre à la suite de cette proposition, Bruxelles veut donner des gages à l’industrie des biotechnologies.

Remy Gabalda / AFP
Une fois encore, l’absence de consensus des États européens conduit la Commission européenne à imposer seule les autorisations d’organismes génétiquement modifiés (OGM). Le 24 avril, Bruxelles a validé 19 demandes émanant de plusieurs industriels des biotechnologies, et porte ainsi à 70 le nombre d’OGM autorisés à l’importation sur le vieux continent.
Comment en est-on arrivé là alors que les États membres n’ont jamais pu réunir la majorité qualifiée nécessaire à ces autorisations ? La procédure prévoit que, sans majorité, la Commission européenne donne les autorisations, dès lors que les OGM concernés ont été approuvés par l'EFSA (Autorité européenne de la sécurité des aliments).
La commission européenne court-circuite le débat
Face à cette aberration démocratique, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Junker, avait annoncé au début de son mandat sa volonté de réforme. Le 22 avril, la Commission européenne a ainsi fait une proposition concernant les nouvelles conditions d’importation des OGM en Europe, qui permet aux États membres de s’opposer à la commercialisation des OGM sur leur territoire. Et ce, malgré leur autorisation au niveau européen.
Cette proposition doit maintenant être débattue par le Parlement européen et par les États membres. Mais en autorisant deux jours plus tard 19 OGM, la Commission court-circuite le débat.
Plainte des industriels
Cet empressement s’explique notamment par les pressions des industriels pour la reprise des autorisations. Depuis 17 mois, aucune autorisation n’avait en effet été délivrée, compte tenu de la préparation de la réforme. Les industriels ont porté plainte en octobre 2014 pour dénoncer les délais de traitement de leurs demandes (voir le suivi de l’association d’information sur les biotechnologies). Une quarantaine de demandes d’autorisation sont encore en attente.
Les gages donnés à l’industrie avec cette vague d’autorisations inquiètent les opposants aux OGM quant à la suite des discussions autour de cette réforme. Les organisations écologistes craignent que la possibilité faite aux États membres d’interdire les importations ne change pas grand-chose à l’entrée des OGM en Europe.
En effet, leurs marges de manœuvre seront réduites, alors que les États ne pourront pas invoquer des raisons sanitaires et environnementales pour ne pas court-circuiter l’autorité de l’EFSA. Restera-t-il des arguments recevables à faire valoir face aux règles de l’Organisation mondiale du commerce ?
L'alimentation animale principalement concernée
Parmi les 19 autorisations, dix nouveaux OGM sont destinés à l’alimentation humaine et animale. Deux d’entre eux sont des fleurs. Les sept derniers concernent le renouvellement d’autorisations, dont le controversé maïs NK 603, dénoncé par l’étude de Gilles-Eric Seralini.
Ces autorisations concernent surtout l’alimentation animale. Les importations d’OGM destinées à l’alimentation humaine restent en effet limitées, à cause d’un étiquetage stricte et d’un refus des Européens à les consommer. "La cinquantaine d’OGM autorisée pour l’alimentation humaine permet surtout qu’en cas de contamination par ces OGM-là, les produits contaminés ne soient pas retirés de la vente", explique Pauline Verrière d’Infogm .