Publié le 22 septembre 2023
ENVIRONNEMENT
Mildiou, baisse de la consommation en France… À Bordeaux, le monde de la vigne est sous pression
La coupe est pleine. Alors que les vendanges viennent à peine de commencer, les viticulteurs du Bordelais ne peuvent que constater l’ampleur des dégâts. 90% des vignes ont été touchées par le mildiou. Du jamais vu. Et cela vient s’ajouter à la crise économique que traverse depuis années ce prestigieux vignoble français.

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Les tout premiers coups de sécateurs viennent d’être donnés dans les vignobles bordelais dans un climat plutôt morose. La raison ? L’intégralité des exploitations du département a été touchée par le mildou, et ce, à plus ou moins grande échelle. Car les conditions météo, quasi tropicales - chaude et humide - dans la région, ont rendu propice la prolifération de ce champignon. "De mémoire de viticulteurs, on n'avait jamais vu cela : le mildiou n’épargne personne cette année et prend des proportions inégalées", a observé la Chambre de l’Agriculture de la Gironde, dans un communiqué.
"Certains viticulteurs ont déjà tout perdu", car la maladie s’attaque à la vigne, détruit le feuillage jusqu’à dessécher les baies, et reste très difficile à combattre. Ce que confirme à Novethic Pierre-Henri Cosyns, vigneron installé à Teuillac (Côte-de-Bourg) et président des Vignerons bios de Nouvelle-Aquitaine. L’exploitant estime aujourd’hui "à 10% la perte liée au mildiou" dans son exploitation. Ce champignon pathogène, il le connaît bien. "Depuis plusieurs années, notamment en raison du changement climatique, nous le voyons revenir dans nos vignobles, et plus particulièrement dans les exploitations biologiques", témoigne-t-il.
Une filière viticole qui s’enfonce dans la crise
Et cette épidémie de mildiou intervient dans un contexte de crise particulièrement sévère pour la filière. En France, la consommation de vin ne cesse de reculer. En 60 ans, elle a chuté de 70% passant de 120 litres par an et par habitant dans les années 1960 à moins de 40 litres par an en 2020, selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives. "Et l’étude montre que cela va continuer dans les années à venir", avertit Christophe Chateau, directeur de la communication des Vins de Bordeaux.
Cette baisse de la consommation nationale était en partie compenser par l’exportation, mais le marché viticole a connu ces dernières années certains aléas politiques et géopolitiques, avec notamment la taxe Trump aux États-Unis, la fermeture du marché chinois avec le Covid ou encore la guerre en Ukraine. Résultat : les stocks de vin ne s’écoulent plus et les prix s'effondrent. Une situation qui asphyxie essentiellement les petits producteurs, et non les Grands crus, protégés par la bulle du luxe. Selon une enquête menée par la Chambre d’agriculture de Gironde, 1 371 exploitants se sont déclarés en difficulté économique à la fin de l’année 2022. Cela représente près de 35 000 hectares de vignes.
Une distribution à revoir
Pour résoudre ce problème de surproduction, les exploitants de la région ont proposé d’arracher 10% du vignoble, soit 10 000 à 15 000 hectares de vignes et de distiller le trop-plein. Ce à quoi le gouvernement a proposé, sous l’égide du ministre de l’Agriculture, d’indemniser les candidats à l’arrachage à hauteur de 6 000 euros par hectare supprimé. Les opérations pourraient même commencer dès cet automne.
Mais cette nouvelle crise montre que le monde de la viticulture bordelaise, déjà à bout de souffle, devra désormais jongler entre les aléas météorologiques que le changement climatique accentue d’année en année, et tenter de résister à un marché toujours plus concurrentiel. Ce que déplore Pierre-Henri Cosyns qui appelle à une meilleure rémunération de leur travail. "Je ne pense pas que l’on fait ce métier pour être au crochet des assureurs, perdre une récolte est douloureux, mais cela n’a aucun sens si nos vins ne sont pas valorisés correctement le reste de l’année".