Publié le 02 octobre 2014
ENVIRONNEMENT
Brésil : Marina Silva est-elle encore écologiste ?
Figure de la lutte contre la déforestation et ex-ministre de l’Environnement, "Marina la verte" va devoir composer. La candidate-surprise de l’élection présidentielle brésilienne serait la mieux placée pour mettre l’environnement au centre des préoccupations gouvernementales. Mais au sein même de son parti d’adoption, le Parti socialiste brésilien (PSB), elle doit affronter des opposants et faire des concessions.

© Vanessa Carvalho / Brazil Photo Press / AFP
Faire du Brésil un "acteur important" de l’énergie nucléaire. Cette proposition figurait en toutes lettres dans la première version du programme proposé par la coalition de Marina Silva. La candidate socialiste à l’élection présidentielle brésilienne, dont le premier tour aura lieu ce dimanche 5 octobre, n’a mis que quelques heures à la retirer. La proposition allait assurément à l’encontre des convictions de la candidate, qui s’était notamment opposée à la construction de l’usine nucléaire Angra 3 lors de son mandat comme ministre de l’Environnement sous le gouvernement de l’ex-président, Lula Da Silva.
Ce rétropédalage est symptomatique des divergences qui opposent Marina Silva, figure de l’écologie au Brésil, et certains cadres du Parti socialiste brésilien (PSB), plutôt classé au centre et libéral sur le plan économique.
Ministre de 2003 à 2008 et membre du PT (parti travailliste au pouvoir), puis candidate des Verts en 2010, Marina Silva crée son propre parti, Réseau Durable, mais échoue à réunir les signatures nécessaires pour se présenter aux présidentielles. Elle rallie alors le PSB, en octobre 2013, et devient la colistière du candidat du parti socialiste, Eduardo Campos. Sa mort dans un accident d’avion le 13 août dernier, propulse Marina Silva candidate. Les sondages l’ont même donnée un temps favorite du scrutin.
La balance penche aujourd’hui de nouveau pour une réélection de la présidente en place. Selon le sondage du mardi 30 septembre de l’institut Datafolha, Dilma Rousseff remporterait largement le premier tour avec 40% des voix contre 25% pour sa rivale. Mais il lui sera sans doute difficile d’éviter un second tour contre Marina Silva. Et là, les scores se resserrent nettement…
Une position floue sur les OGM
Pour gagner, il faudra sans doute que Marina Silva clarifie ses positions sur plusieurs sujets-clés. En particulier sur les organismes génétiquement modifiés (OGM), dont le Brésil est le deuxième producteur mondial. Ses dernières déclarations laissent perplexe. Alors qu’en 2004 elle s’était battue contre la loi sur les OGM, dont l’un des principaux défenseurs est aujourd’hui son colistier Beto Albuquerque, Marina Silva ne se prononce aujourd’hui plus.
Elle ne s’affiche "ni pour ni contre le transgénique", mais en faveur d’un modèle de "coexistence entre des zones OGM et des zones sans". Une tiédeur sans doute liée aux accointances du PSB, et notamment de Beto Albuquerque, avec le secteur de l’agrobusiness. Une des raisons qui a d’ailleurs mené le Syndicat des travailleurs ruraux de Xapuri, l’organisation créée par le leader syndicaliste et grand défenseur de la réforme agraire Chico Mendes, à se désolidariser de la candidate.
Un désaveu pour Marina Silva, qui présente Mendes comme son mentor. Le Syndicat n’est pas le seul à prendre du recul par rapport à la candidate. Greenpeace lui reproche son attitude complaisante face aux OGM et dénonce sa volonté de continuer le programme d’extraction du pétrole présalifère, un hydrocarbure extrait en eaux très profondes au large des côtes du pays.
1 million de maisons solaires
Marina Silva aurait-elle donc renié toute conviction écologiste? Pas totalement. Pour les militants et leaders du développement durable au Brésil, Marina Silva serait la mieux placée pour mettre l’environnement au centre des préoccupations gouvernementales.
Malgré les divergences, Marcio Astrini, coordinateur chez Greenpeace Brésil, souligne que la candidate a intégré dans son programme une bonne partie des propositions envoyées par l’organisation aux onze candidats à la présidentielle. "Dilma Rousseff et Aécio Neves (candidat de la droite, NDLR (1)) ne l’ont pas fait", regrette-t-il.
Peu de propositions concrètes ressortent en effet du programme de Dilma Rousseff, qui suggère simplement de poursuivre le combat contre la déforestation et favoriser les sources d’énergie alternative. Marina Silva fait au contraire du développement durable un des axes majeurs de son programme, et se montre ambitieuse.
Alors que la déforestation brésilienne est repartie à la hausse depuis l’an dernier, elle prône une "déforestation zéro", des mesures contre l’extraction illégale de bois, une poursuite de la réforme agraire et du plan "Agriculture basses émissions", un soutien à l’agriculture familiale et la création de 1 million de maisons solaires énergétiquement autonomes.
Dans le contexte des négociations climatiques qui auront lieu à Paris fin 2015, la sensibilité de Marina Silva sur ces sujets et son réseau à l’international rassurent aussi la diplomatie française. Car lors du Sommet sur le climat, qui s’est tenu à New York le 23 septembre dernier, le Brésil s’est plutôt fait remarqué par son manque d’allant, notamment sur le volet déforestation.
"Le Brésil peut être un chef de file pour bon nombre de pays, confie-t-on à l’ambassade de France à Brasilia. S’il se montre coopérant dans les négociations, ce qui pourrait être le cas avec Marina Silva à la tête du pays, cela pourrait grandement aider à parvenir à un accord contraignant sur le climat, notre objectif."
Mise à jour le 6/10/2014 :
Longtemps donnée finaliste de l'élection présidentielle brésilienne, Marina Silva a finalement été éliminée du scrutin. Au premier tour, elle ne recueille que 21 % des suffrages, loin derrière Dilma Roussef (41 %) et Aécio Neves (33 %), le candidat du Parti social-démocrate brésilien.
(1) Ce "troisième homme" de la présidentielle, Aécio Neves, est crédité de 20% des votes par le sondage du mardi 30 septembre de l’institut Datafolha.