Publié le 30 décembre 2021
ENVIRONNEMENT
Les néonicotinoïdes devraient à nouveau être autorisés en France en 2022
Après avoir obtenu une dérogation en 2021, les betteraviers français pourraient à nouveau utiliser des semences traitées aux néonicotinoïdes en 2022. Ces insecticides, interdits depuis 2018 en Europe, sont pourtant très néfastes pour les pollinisateurs. Mais la filière française de la betterave "demeure économiquement fragile", a indiqué le gouvernement, après le ravage de la jaunisse sur les cultures.

@UlrikeLeone
Ce devait être un retour temporaire mais il pourrait bien perdurer. Les néonicotinoïdes, ces pesticides interdits depuis 2018 sur le Vieux continent, ont été réautorisés l’année dernière en France pour sauver les cultures de betteraves ravagées par la jaunisse. Une dérogation qui avait été très critiquée à l’époque. Or, cette année encore, ces insecticides particulièrement dangereux pour les abeilles, devraient être utilisés par les betteraviers. Un projet d'arrêté autorisant pour la campagne 2022 l'utilisation de semences de betteraves sucrières traitées avec des néonicotinoïdes a été mis à la consultation du public jusqu'au 16 janvier, a annoncé le 27 décembre le ministère de l'Agriculture.
La filière française de la betterave "demeure économiquement fragile", fait valoir le ministère dans un communiqué. "Au regard des éléments disponibles, le gouvernement considère que les conditions d'octroi d'une dérogation pour 2022 sont réunies", ajoute-t-il. Le projet d'arrêté autorise l'emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des néonicotinoïdes (imidaclopride, thiamethoxam), très controversés pour une durée de 120 jours. L'arrêté est accompagné de restrictions sur les cultures qui peuvent être implantées les années suivantes, afin de réduire l'exposition des insectes pollinisateurs aux résidus éventuels de ces produits.
"L’exception devient la règle"
"Finalement, l’exception devient la règle", dénonce sur Twitter le porte-parole de Greenpeace Clément Sénéchal. Générations futures, association membre du Conseil de surveillance qui a rendu un avis favorable au projet d’arrêté, a voté contre cette nouvelle dérogation et fustige les "nombreuses faiblesses" du dossier. Pour l’association, la principale menace motivant les néonicotinoïdes n’existe plus car la pression virale, c’est-à-dire la présence des virus provoquant la jaunisse de la betterave, est quasi nulle cette année. "Le prélèvement d'adventives permettant de déterminer l'état des réservoirs viraux indique qu'en 2020, 23,14 % des tests étaient positifs, mais qu'ils ne sont plus que 0,88% en 2021", écrit Agir pour l'environnement.
Le gouvernement rappelle que parallèlement, un Plan national de recherche et d'innovation a été mis en place pour coordonner "un important effort de recherche sur la jaunisse de la betterave afin d'apporter des solutions opérationnelles aux agriculteurs d'ici trois ans". "Les alternatives aux néonicotinoïdes, qui font l'objet de ces recherches ne sont cependant pas encore utilisables pour les semis 2022", souligne le ministère.
Cette année, malgré le recours aux néonicotinoïdes, les récoltes des betteraviers français n’ont pourtant pas été au rendez-vous. En cause : une crise liée aux herbicides produits par la société Adama. Plus d’un million de tonnes de betteraves françaises ont dû être détruites ou recyclées en biocarburant car souffrant de phytotoxicité (toxicité d'une substance chimique pour la croissance des plantes). Mais la filière traverse une crise plus profonde, essentiellement liée à la fin des quotas européens en 2017. Jusqu’à cette date, les producteurs européens étaient protégés, les prix du sucre étaient stables, largement supérieurs au marché mondial. En sortant de sa bulle, la filière betteravière française s’est retrouvée face à des géants mondiaux brésiliens et indiens l’obligeant à casser ses prix.
Marina Fabre Soundron @fabre_marina avec AFP