Publié le 17 janvier 2019
ENVIRONNEMENT
L’interdiction du Roundup Pro 360 signe-t-il la fin du glyphosate ?
Le tribunal administratif de Lyon vient d'annuler l'autorisation de mise sur le marché du Roundup Pro 360, un herbicide de Monsanto à base de glyphosate. Il estime que l'Agence nationale de sécurité sanitaire a commis une erreur d'appréciation "au regard du principe de précaution". Cette décision relance le débat sur l'autorisation du glyphosate en France mais aussi dans l'Union européenne.

@Alexandros Michailidis/SOOC
Le Roundup Pro 360 porte "une atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé humaine". Voilà ce qu’a estimé le tribunal administration de Lyon le mardi 15 janvier. Il a ainsi décidé d’annuler l’autorisation de mise sur le marché du Roundup Pro 360, un désherbant à base de glyphosate, commercialisé par le géant Monsanto, récemment avalée par Bayer. Une décision à effet immédiat.
Fait rare, le tribunal a estimé que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) avait "commis une erreur d’appréciation au regard du principe de précaution" en autorisant le Roundup Pro 360 en mars 2017. S'appuyant notamment sur les études du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) sur le glyphosate, les juges ont estimé que ce produit devait "être considéré comme une substance dont le potentiel cancérogène pour l’humain".
Une décision qui pourrait s'appliquer à tous les produits à base de glyphosate
"C’est une décision absolument majeure car elle devrait concerner tous les Roundup, le tribunal considérant que tous les produits contenant du glyphosate sont probablement cancérogènes", s’est félicité Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement et avocate du Comité de recherche et d’information indépendante sur le génie génétique (CRIIGEN), qui avait saisi le tribunal.
Concrètement, ce jugement ne peut pas faire jurisprudence puisqu’il a été énoncé par un tribunal administratif mais il pourrait pousser l’Anses à reconsidérer l’homologation, passée et future, de tous les produits à base de glyphosate. "L’Anses va devoir tenir compte de cette décision, même si elle ou Monsanto fait appel, car le jugement est motivée et argumentée", estime Nadine Lauverjat de Générations futures.
Dans un communiqué publié le 17 janvier, l'Anses "conteste toute erreur d'appréciation" et rappelle qu'elle a été la première autorité nationale "à retirer les autorisations de mise sur le marché de 126 produits à base de glyphosate contenant un co-formulant potentiellement génotoxique".
En 2022, l'Europe pourrait autoriser à nouveau le glyphosate
Au-delà du cas français, cette décision pourrait peser dans trois ans lorsque l’Union européenne devra décider si elle renouvelle -ou non- le glyphosate. "La France sera le prochain État rapporteur en charge du dossier glyphosate à la Commission européenne. Les discussions devraient commencer en 2021, date à laquelle Emmanuel Macron avait promis d’interdire cette substance sur le territoire français, c’est une bonne nouvelle", avance Nadine Lauverjat.
En novembre 2017, la Commission européenne a en effet opté pour un renouvellement de la licence de l’herbicide phare de Monsanto pour 5 ans, contre l’avis de la France qui en proposait trois. Emmanuel Macron s’était engagé à satisfaire cette demande dans l’Hexagone, avant de faire machine arrière. D’abord en n’inscrivant pas son interdiction dans la loi, ensuite en proposant des dérogations aux agriculteurs "qui n’ont pas d’alternative". "Le gouvernement tergiverse depuis trop longtemps et parle d’une sortie dans trois ans depuis bientôt 2 ans", argue Julien Bayer, le porte-parole d’EELV.
Au-delà du poids que va donner la France à cette décision juridique, le rapport scientifique de l’Institut fédéral d’évaluation des risques allemand (Bfr), sur lequel se sont appuyés en grande partie les États membres pour rendre leur décision, est au cœur d’une polémique. Selon un rapport commandité par des députés européens et signalé dans Le Monde, le Bfr aurait plagié, parfois mot pour mot, le dossier d’homologation qu’ont rendu Monsanto et ses alliés, aux autorités européennes. Une controverse qui remet en cause la fiabilité de cette étude.
Marina Fabre, @fabre_marina avec AFP