Publié le 05 octobre 2020
ENVIRONNEMENT
L’Assemblée nationale doit trancher sur la réautorisation des néonicotinoïdes sur les betteraves
C'est un sujet particulièrement explosif dont vont débattre les députés aujourd'hui. L'Assemblée va se pencher sur la réautorisation temporaire des néonicotinoïdes sur les betteraves. Les députés, divisés, devront à la fois satisfaire la filière, ravagée par la jaunisse et une perte de rendements énorme, et les écologistes, qui pointent l'impact très néfaste de ces "pesticides tueurs d'abeilles" sur la biodiversité.

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C’est un sujet clivant qui arrive sur les bancs de l’Assemblée. Les députés vont débattre, à partir de ce lundi 5 octobre, de la réinsertion temporaire des néonicotinoïdes dans les champs de betterave. Depuis plusieurs mois, les cultures de betteraves sont en effet ravagées par la jaunisse. Les parcelles les plus touchées pourraient perdre jusqu’à 40 % de leurs rendements, menaçant plus de 46 000 emplois dans la filière sucrière française. Les professionnels ont donc demandé une dérogation afin de pouvoir utiliser les néonicotinoïdes, ces "pesticides tueurs d’abeille" interdits depuis deux ans en France. Le gouvernement a tranché en faveur des professionnels mais les députés sont divisés sur la question.
L'ancien ministre de l'Écologie Nicolas Hulot a appelé les députés "à ne pas voter" le projet de loi. "Prolonger l'usage des néonicotinoïdes pour la filière de la betterave, alors que leur interdiction a été votée en 2016, ce n'est pas une solution", déclare-t-il dans un entretien au Journal du dimanche. "Ma fondation a estimé les pertes pour cette année à 77 millions d'euros pour les betteraviers. Indemnisons-les en échange de la mise en place de pratiques : allongement des rotations, réintroduction des haies...", dit-il.
Un enjeu de "souveraineté économique"
Pour le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie, qui s'exprimait sur France 3, "Nicolas Hulot et tous ceux qui vous disent qu'il y a une alternative se trompent: il n'y a pas d'alternative, y compris économique" à cette mesure destinée à protéger la filière française du sucre. "L'écologie, ce n'est pas tuer une filière pour importer du sucre", a ajouté le ministre, affirmant qu'il s'agit d'un enjeu de "souveraineté économique" face à la concurrence de la Pologne, de la Belgique ou de l'Allemagne. "Cette dérogation ne concernera que la betterave sucrière", précise toutefois Julien Denormandie.
Dans leur plan national de recherche et d’innovation publié le 22 septembre, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et l’Institut technique de la betterave estiment, qu’à ce stade, "aucune solution chimique ou non chimique ne se rapproche en efficacité des traitements chimiques à base de néonicotinoïde". Concrètement, "il y a des voies prometteuses mais, aujourd'hui, il n'y a pas de voie opérationnelle à grande échelle pour une année comme 2020", soulignait Philippe Mauguin, PDG de l’INRAE.
Marina Fabre, @fabre_marina avec AFP