Publié le 08 avril 2019

ENVIRONNEMENT

Artificialisation des sols : en France, on bétonne même quand ce n'est pas nécessaire

L'artificialisation des terres progresse plus vite que la croissance démographique et économique. Autrement dit, en France, même quand il n'y a pas de besoin spécifique, les sols sont bétonnés. À ce rythme d'ici la fin du siècle, 18 % du territoire sera artificialisé, prévient l'Iddri. Une situation qui pose question quand à la souveraineté alimentaire de la France et sa capacité à résister au changement climatique. 

L'artificialisation des sols consiste à convertir des terres agricoles, forestières ou naturelles pour l'urbanisation ou le développement d'infrastructures.
©CC0

C’est un phénomène que les politiques publiques ont dû mal à endiguer malgré les promesses. En 2015, l’artificialisation de sols représentait 9,4 % du territoire métropolitain contre 8,3 % en 2006. "La France a perdu un quart de sa surface agricole sur les 50 dernières années", a ainsi rappelé Emmanuel Macron lors de sa visite au Salon de l’Agriculture. Aujourd’hui, c’est l’équivalent de la superficie d’un département moyen qui est bétonné tous les 7 à 10 ans.

Or selon une nouvelle étude menée par l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), "un nombre préoccupant de territoires connaissent une forte artificialisation malgré une faible croissance démographique et économique". Autrement dit l’artificialisation progresse même quand elle n’est pas nécessaire. "En dix ans, la superficie des terres artificialisées a augmenté de 13 % alors que la croissance du produit intérieur brut est de 6 % et celle de la démographie de 5 %", détaille Alice Colsaet, doctorante à l’Iddri et autrice de l’étude.

L'habitat et les zones d'activité responsables de l'artificialisation

Plusieurs facteurs sont évoqués, notamment l’évolution de nos modes de vie. Les Français vivent de plus en plus seuls, les familles sont moins nombreuses et ont besoin de plus d’espace. Ils privilégient les maisons individuelles pourtant responsables d’un hectare sur deux artificialisé et achètent de plus en plus de maisons secondaires. Mais les collectivités sont également pointées du doigt.

"Il y a une tendance à consommer de l’espace pour essayer de créer un dynamisme", décrypte Alice Colsaet, "certaines collectivités vont construire des zones d’activité même s’il n’y a pas de demande et qu’elles sont en concurrence avec la zone d’activité de la collectivité voisine. C’est une offre surabondante qui est déconnectée des besoins et qui créé des zones vides". Il n'y a pas un responsable, c'est le cumul entre les nouveaux logements, les complexes commerciaux, les réseaux routiers… qui favorise cette artificialisation galopante. 

Moins de terres agricoles, un enjeu de sécurité alimentaire

Selon les estimations de l’Iddri, si la France continue à ce rythme, d’ici la fin du siècle, 18 % de son territoire sera artificialisé contre 9,7 % aujourd’hui. Cela paraît peu mais les conséquences pourraient être terribles. "D’abord cela signifierait une perte d’autonomie alimentaire dans l’Hexagone alors qu’il y a une croissance démographique", alerte Emmanuel Hyest, président des Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer), "ensuite les terres agricoles participent à la lutte contre le changement climatique. Elles permettent de capter le carbone mais également l’eau qui recharge les nappes phréatiques".

Pour Emmanuel Hyest, pas de doute, il faut considérer les terres agricoles comme des surfaces intouchables, à l’instar des forêts. Emmanuel Macron, lui, vise l’objectif de zéro artificialisation nette. Cette ambition, introduite dans le Plan biodiversité de 2018, "suppose que toute nouvelle construction devrait être compensée par une déconstruction équivalente, par exemple dans des zones d’activités devenues vacantes ou des parkings surdimensionnés", rappelle l’Iddri. Reste à voir, dans le temps, les effets de cette nouvelle réforme. 

Marina Fabre, @fabre_marina


© 2023 Novethic - Tous droits réservés

‹‹ Retour à la liste des articles

ENVIRONNEMENT

Agriculture

Avec ou sans pesticides, bio ou OGM, les modes de production agricole jouent un rôle déterminant sur la biodiversité et la pollution. Le développement massif de monocultures comme celle de l’huile de palme dans certaines régions entraine des problèmes variés dont la déforestation.

Roundup glyphosate ROBYN BECK AFP

L’Europe renouvelle pour dix ans le glyphosate, sans que la France ne s’y oppose

C'est un coup de théâtre. L'utilisation du glyphosate, pesticide largement controversé, va être renouvelée pour dix dans l'Union européenne, soit une durée deux fois plus longue que sa précédente autorisation en 2017. C'est la Commission qui a dû trancher, faute d'accord entre les 27 États membres....

Doline turquie VOLKAN NAKIBOGLU AFP

Sécheresse, surexploitation des nappes... Des trous béants avalent les terres agricoles en Turquie

On les appelle des dolines. Ces immenses cratères se multiplient dans la province de Konya, en Turquie. Provoqué par la surexploitation des nappes souterraines à des fins agricoles, ce phénomène s’amplifie alors que le pays connait des périodes de sécheresse intense. Une problématique qui inquiète...

Vigne vigoble raisin CCO

Pesticides : plus il y a de vignes autour de chez soi, plus le risque de leucémie est important pour les enfants

Plus il y a de vignes à proximité du domicile, plus le risque de développer une leucémie chez l’enfant augmente. Voilà la conclusion très alarmante d’une étude réalisée par une équipe de chercheurs de l’Inserm, publiée mercredi 18 octobre.

Glyphosate france AFP JEAN FRANCOIS MONIER

Glyphosate : pas de consensus des 27 États-membres sur la réautorisation du pesticide

Les 27 États-membres n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la proposition de la Commission européenne de réautoriser le glyphosate pour dix années supplémentaires. Plusieurs pays, dont la France, se sont abstenus, estimant que les conditions de renouvellement du pesticide controversé n’étaient...