L’agriculture, un levier dans les négociations climatiques
Le CGIAR, un réseau mondial des centres de recherche dédiés à l’agriculture, travaille à développer les semences et les procédés agro-écologiques indispensables à l’agriculture durable. Mais aussi à faire comprendre aux décideurs politiques et économiques l’importance du sujet dans la lutte contre le changement climatique. L’une de ses grandes victoires est d’avoir introduit le sujet dans les négociations de la COP22.

Neil Palmer / CIAT
L’agriculture mondiale est une affaire de petits producteurs et de grandes multinationales. Comment s’adresser aux deux, pour permettre de relever les principaux défis auxquels elle fait face, à savoir l’éradication de la pauvreté, la sécurité alimentaire et la préservation des ressources naturelles ? C’est rien moins que le programme que se donne le CGIAR. Ce réseau spécialisé intervient dans 70 pays du Sud en Asie (50%), en Afrique (35%) et en Amérique Latine (15%) et rassemble plus de 10 000 chercheurs.
Il propose des programmes d’agro-écologie et des semences adaptées aux révolutions climatiques en cours. "Nous diffusons par exemple des variétés de maïs qui résistent à la sécheresse ou encore des systèmes de plantations de bananiers très sensibles au changement climatique, à l’ombre desquels poussent des caféiers, explique Alain Vidal, responsable des partenariats stratégiques de l’organisation, qui précise : Nous refusons de recourir au brevetage du vivant et à l’usage des OGM."
Leurs premiers interlocuteurs sont les petits paysans, qui fournissent 70% de l’alimentation dans le monde. Pour changer leurs pratiques et limiter la déforestation, ils doivent pouvoir mesurer le bénéfice de la démarche. Dans l’idéal, il faut que le système d’agriculture durable puisse leur apporter 15% de revenus supplémentaires par an.
Modèles économiques menacés
Mais pour tenir les objectifs de limitation du réchauffement climatique et changer d’échelle pour faire de l’agriculture durable le modèle dominant, il faut s’adresser aux acteurs dominants : les États et les multinationales. C’est pourquoi le CGIAR fait un lobbying intense.
"Au départ, nos interlocuteurs officiels étaient surtout des autorités publiques, explique Alain Vidal, le porte-parole du CGIAR, réseau mondial de centre de recherches agricoles basé à Montpellier. Mais aujourd’hui nous développons de plus en plus de partenariats avec des acteurs privés, comme celui que nous avons avec la plate-forme Climate Smart Agriculture du WBSCD, l’organisation qui fédère les entreprises autour du développement durable."
Le CGIAR a par exemple contribué à la rédaction des engagements de réduction (INDC) des pays suivants : Kenya, Costa Rica, Colombie, Mongolie, Ouganda, Tanzanie, Vietnam, mais il travaille aussi, pour certains de ces programmes, avec des entreprises comme Mars. Il a des partenariats en cours d’élaboration comme avec Kellogg’s. "Nous sommes, entre autres, spécialistes du blé. Or les baisses de rendements probables des terres où pousse le blé sont de 40% à horizon 2050, détaille Alain Vidal. Quand vous êtes un producteur-distributeur mondial de céréales comme Kellogg’s, vous comprenez tout de suite la menace qui pèse sur votre business modèle."
Les tables rondes organisées dans le cadre de la COP22 porteront sur le rôle de l’agriculture dans l’adaptation et l’atténuation des émissions de CO2. Alain Vidal se réjouit de voir le chemin parcouru. "Mes interlocuteurs soulignent souvent que le sujet est très complexe pour éviter de l’aborder, conclut-il. Mais cela change et ils sont de plus en plus nombreux à comprendre qu’ils doivent s’y atteler, pour lutter contre le changement climatique, mais aussi pour limiter les problèmes de malnutrition, qui peuvent se traduire non seulement par un manque de nourriture mais aussi par la propagation de l’obésité et des diabètes de type 2."