Publié le 18 mai 2016
ENVIRONNEMENT
Commerce équitable : la filière Nord-Nord commence à se structurer en France
Jusqu’au 29 mai, la Quinzaine du Commerce équitable met à l’honneur les petits producteurs du Sud, désormais bien connus du grand public, mais aussi les producteurs de nos terroirs. Depuis plusieurs années, le commerce équitable Nord-Nord, ou local, se structure en France avec des pionniers comme Biocoop ou des acteurs historiques du commerce équitable au Sud tel qu’Ethiquable. Face à la crise agricole, tous deux tentent de faire vivre une agriculture familiale soucieuse de produire une alimentation de meilleure qualité.

Philippe Huguen / AFP
+35%, c’est la progression annuelle des produits de la marque "Paysans d’ici" proposés par Ethiquable en grandes et moyennes surfaces, depuis son lancement en 2011. Jus, confitures, lentilles, farines... Près d’une trentaine de références bio et équitables ont été créées en lien avec dix producteurs ou groupements de producteurs dans l’Hexagone. Et un million de produis vendus en cinq ans.
"La demande est venue à la fois des consommateurs et des producteurs, qui nous disaient : 'et pourquoi ne pas faire avec les paysans du Nord ce que vous faites avec ceux du Sud ?'", raconte Christophe Eberhart, co-fondateur d’Ethiquable, un des acteurs historiques du commerce équitable Nord-Sud. "En effet, les problématiques sont identiques au Nord et au Sud. Il s’agit de faire vivre une agriculture paysanne afin de préserver nos paysans, mais aussi nos paysages et nos savoir-faire."
"Regagner le contenu de nos assiettes"
La Scop (Société coopérative et participative – les salariés détiennent le capital de l’entreprise) s’est par exemple alliée avec Terr’etic, un groupement d’agriculteurs installés sur les Monts du Lyonnais, terre traditionnelle de la culture des petits fruits rouges. Leur projet s’articule autour d’une unité de transformation collective de leurs fruits en confitures. Il a permis de créer un emploi local. "La plupart des fruits rouges dans l’industriel ne viennent plus de France, comment Christophe Eberhart. Tout l’enjeu pour nous est de revaloriser des filières disparues et, petit à petit, de regagner le contenu de nos assiettes".
Ethiquable s’engage à payer le prix juste aux agriculteurs. Ainsi, 49,8%, en moyenne, du prix payé par le consommateur revient aux paysans. Par ailleurs, les contrats Paysans d’ici sont signés pour une durée de 3 ans (renouvelables) afin de sécuriser les débouchés et les investissements.
14% de produits équitables issus du Nord
Chez Biocoop, on défend cette vision de la relation commerciale entre distributeurs et producteurs depuis près de quinze ans. En 2002, le premier réseau de magasins bio en France lance la marque "Ensemble, Solidaires du producteur au consommateur" avec la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB). Il entend ainsi calquer le cahier des charges du commerce équitable Nord-Sud aux producteurs français.
Aujourd’hui, 24% du chiffre d’affaires de l’enseigne provient du commerce équitable, dont 14% du commerce équitable Nord-Nord avec près d’un millier de références pour la marque "Ensemble". "Cela nous permet de garantir sur la durée un approvisionnement en matières agricoles d’origine française afin d’avoir le moins de CO2 possible dans l’assiette du consommateur, explique Claude Gruffat, le président de Biocoop. L’objectif est d’arriver d’ici quatre ans à un tiers de notre activité issu du commerce équitable, en sachant que la marge de manœuvre se trouve désormais principalement au Nord."
Une charte nationale et une définition élargie
La loi sur l’Economie Sociale et Solidaire de juillet 2014 constitue de ce point de vue une opportunité pour développer le commerce équitable en France. Elle fait évoluer la définition du commerce équitable en étendant son champ d'application aux échanges avec les producteurs au Nord, notamment en France. En pratique, la loi autorise désormais les entreprises à utiliser la mention "commerce équitable" sur des produits français.
Par ailleurs, une charte nationale du commerce équitable local, officialisée le 27 juin 2014, vient appuyer et structurer le développement de ces filières équitables en France. Fruit de trois ans de partenariat entre les acteurs du commerce équitable et les organisations françaises des agricultures alternatives et durables, la Plate-Forme pour le Commerce Equitable (PFCE), le réseau Initiatives pour une Agriculture Citoyenne et Territoriale (INPACT) et la FNAB, cette charte fait émerger 14 principes fondamentaux pour bâtir des relations commerciales équitables au service d’une agriculture paysanne et agro-écologique.
"Cela va permettre à un large mouvement d’expérimentations de se revendiquer du commerce équitable. Tout l’enjeu désormais est de s’assurer qu'elles répondent a minima à l’ensemble des principes du commerce équitable inscrits dans la loi, afin de ne pas diluer la démarche Nord-Sud" estime Julie Stoll, déléguée générale de la PFCE.